GRÜBER KLAUS MICHAEL (1941-2008)
Un poète de la scène
La liste est longue et belle de ces spectacles tout en nerfs tendus et en émotions indicibles. Tous se caractérisent par une même recherche de la simplicité, une économie, un dépouillement allant jusqu'au minimalisme. Il s'agit de « dé-théâtraliser » pour aller à l'essentiel, laisser affleurer l'inconnu, à la surface des choses, dans une lenteur calculée. Nulle emphase ici, nulle hystérie. « La représentation, disait Grüber, à propos du Voyage d'hiver, ne doit pas être ressentie comme une gifle, mais comme une chose calme. »
C'est ce même calme qui présidait aux répétitions que Grüber pouvait décider d'interrompre, avançant les représentations publiques d'une semaine ou plus, parce que, expliquait-il, « il ne faut pas enfouir les choses sous leur perfection ». Son exigence et son intelligence étaient tournées vers le sensible, l'humain qu'il s'efforçait de faire surgir des acteurs, les « dénudant », selon l'expression de la comédienne Angela Winkler. Pour les diriger, il ne cherchait pas à prendre leur place, mais leur parlait en poète de la scène : « Pleure, mais seulement de l'œil gauche », ou « Je veux entendre la plume de Racine sur le papier ». Cela à propos de Bérénice, l'une de ses créations les plus abouties, à l'époque contestée par beaucoup. Dégagée de tout maniérisme, la mise en scène, d'une retenue saisissante, forçait l'attention du spectateur, confronté seulement à un texte murmuré. Dans un décor de Gilles Aillaud privilégiant des oppositions d'espaces et de couleurs à la fois douces et heurtées, Grüber mettait les héros raciniens à nu. Tout se jouait au rythme du frémissement à peine perceptible d'un rideau ouvert sur l'Orient, et des fameux « hélas » échappés des lèvres de Ludmila Mikaël, interprète du rôle de Bérénice.
La même année 1984, Klaus Michael Grüber confiait : « Le rêve au théâtre, c'est vraiment l'émotion. Il ne faut pas oublier Brecht car il avait raison. Mais en même temps, arriver à l'émotion. [...] Il faut que le théâtre passe à travers les larmes... Il faut cet abandon. Je suis d'une sincérité que je ne peux soutenir très longtemps. »
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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