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HAMSUN KNUT (1859-1952)

Le « réalisme » psychologique

Il rentre d'Amérique pour publier, d'abord partiellement dans la revue danoise Ny Jord (Terre nouvelle), en 1888, puis intégralement, en 1890, l'ouvrage qui devait l'imposer d'un seul coup, La Faim (Sult). C'est l'histoire d'un malheureux en proie aux affres de la faim, la description clinique de ses hallucinations, de ses états mentaux, de ses errances. Ce livre, qu'il n'a jamais considéré comme un roman et qui est fait en grande partie de souvenirs personnels, constituait une nouveauté remarquable dans la littérature norvégienne, à la fois par sa composition de primesaut, qui épouse les fluctuations de la destinée du héros, par le rythme dicté par une sorte de vibration intérieure et sensible à l'extrême aux ressources musicales du langage et surtout par la psychologie, par la façon de dépeindre les états d'âme. Saisissant avec une grande finesse les nuances les plus subtiles, les mouvements fugaces, les impondérables de notre esprit, il s'attache à la peinture des sentiments en méprisant superbement les canons de l'analyse traditionnelle. Une inépuisable fantaisie et même un humour sain, dru viennent tempérer les passages dramatiques. Dans son application à rendre l'intraduisible, il ferait parfois penser aux réussites de Nathalie Sarraute.

Ce chef-d'œuvre partait d'une volonté bien arrêtée de rénover le roman, qu'il a d'ailleurs exprimée dans deux écrits publiés à la même époque que La Faim. Des États-Unis il avait rapporté un virulent pamphlet, De la vie intellectuelle en Amérique (Fra det moderne Amerikas Aandsliv, 1889), où il s'en prenait à R. W. Emerson, à W. Whitman et surtout à la vie à l'américaine, matérialiste, pragmatique, tournée vers l'efficace et le rentable. Et, en 1890, dans un article intitulé De la vie inconsciente de l'âme, il expose ses exigences et ses refus. Ce qu'il rejette, c'est le réalisme « extérieur », la prétention de reproduire le réel du dehors, la peinture des événements bruts, la notion de « caractère » dont, tout comme Strindberg un peu plus tôt, il nie la constance et la solidité. En revanche, il réclame la fidélité à la réalité de la vie psychologique telle que nous la ressentons, telle que nous la vivons, non d'un seul tenant, mais par bribes, obscurément, confusément : « Ce qui m'intéresse, c'est l'infinie variété des mouvements de ma petite âme, l'étrange originalité de ma vie mentale, le mystère des nerfs dans un corps affamé. » On voit maintenant ce qu'il entend par réalisme et par littérature psychologique : ce sont des notions tout intérieures, qu'une attention passionnée aux oscillations, aux frémissements, aux palpitations de l'esprit peut, seule, permettre d'éclairer. Il aurait pu faire de son livre un violent réquisitoire contre la société, une illustration de la lutte des classes à la manière marxiste. Il n'y a apparemment pas songé et a préféré peindre « la vie inconsciente de l'âme tout entière ».

Le roman moderne doit beaucoup à cette œuvre fascinante et qui n'a rien perdu de ses prestiges, comme en témoigne la bonne adaptation cinématographique de H. Carlsen (La Faim, 1966).

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

Knut Hamsun - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Knut Hamsun

Autres références

  • NORVÈGE

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    • 24 666 mots
    • 24 médias
    ...(1870-1924) ou des romanciers régionalistes comme Peter Egge (1859-1959 ; HansineSolstad, 1925), Johan Bojer (1872-1959 ; Den Siste Viking, 1921, Le Dernier Viking) et Gabriel Scott (1874-1958 ; Kilden, 1918, La Source), cette tendance est dominée parKnut Hamsun (1859-1952) et Hans E. Kinck (1865-1926).
  • PAN, Knut Hamsun - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 687 mots

    Pan, l'un des romans les plus connus de l'écrivain norvégien Knut Hamsun (1858-1952), Prix Nobel en 1920, met en scène un personnage que l'on retrouve souvent dans son œuvre, celui du vagabond en rupture avec l'époque moderne, et qui sait faire preuve, inlassablement, de fantaisie et de...