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KŌDA ROHAN (1867-1947)

Les œuvres complètes de Kōda Rohan ont été réunies en une suite de quarante et un volumes. Cet ensemble n'a guère d'équivalent dans la littérature japonaise moderne. Il en constitue l'un des centres de gravité. Comment comprendre l'inextricable complexité et la richesse de ce langage qui plonge ses racines dans le passé ? Il reflète la passion, le bouillonnement d'idées, la soif encyclopédique de connaissances qui caractérisent le début de Meiji. Le père de Kōda Rohan avait assumé une fonction religieuse auprès du shōgun ; ses frères se tournent vers l'industrie, la marine, l'université ; deux sœurs connaîtront la célébrité comme virtuoses du piano et du violon. Lui-même apprend les techniques de télécommunications et part dans la solitude du Hokkaidō. Son père lui avait fait lire la Bible ; il découvre les classiques chinois et bouddhiques, des auteurs d'Edo, des ouvrages contemporains. Des voies innombrables s'ouvraient devant lui.

Ses premiers récits : Bouddha de beauté (Fūryū Butsu, 1889) ; La Pagode à cinq étages, (Gojū no tō, 1891-1892) sont brefs, emportés par un mouvement impétueux. Ils entraînent l'imagination dans le domaine de l'utopie ou du fantastique. Tous évoquent la beauté, la mort, les éléments déchaînés de la nature, le pouvoir de l'art. Ils feront place à des romans plus amples, démesurés : Belle Réserve de poussières (Fūryū mijinzō, 5 vol., 1893-1895) ; Vagues contre le ciel (Sora utsu nami, 4 vol., 1903-1904). L'un et l'autre resteront inachevés. Les histoires littéraires appliquent aux œuvres de cette période l'épithète de « romantique », par trop insignifiante. En elles se manifeste dans sa somptuosité un style « baroque », propre au Japon de Meiji.

Rohan, qui semblait avoir renoncé au roman, se tourne vers le récit historique ; Le Destin (Unmei, 1919), qui se déroule dans la Chine des Ming, et La Chronique de l'enchaînement (Renkanki, 1940) sont animés par un rythme proche de la narration épique. Mais sa curiosité ne se satisfait ni de la fiction ni de l'histoire. Il a besoin du monde extérieur. La moindre occasion — une plante, un repas, une conversation — renouvelle le plaisir de la découverte, éveille des constellations de souvenirs. Il consigne ces « rencontres » dans de nombreux textes qu'il réunit en volumes (Balivernes, Rangen, 1901 ; Laver le cœur, Senshinroku, 1914 ; Bouts de bambou, Chikutō, 1939), et s'inscrit dans la tradition déjà longue de l'essai au fil du pinceau.

En 1920, il commence un commentaire des Sept Recueils poétiques de Bashō, qu'il n'achèvera qu'en 1947. D'année en année, l'entreprise requiert davantage son attention. L'étude se transforme à son tour en création littéraire. Avec elle, il mène à bien son ultime inventaire du langage et du monde. Il réalise alors cet accord entre la prose et la poésie qu'il avait recherché dès ses premiers récits et qui demeure l'un des principes secrets de la littérature du Japon moderne.

— Jean-Jacques ORIGAS

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

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    • 2 médias
    ...de vingt-quatre ans ; mais la vivacité du trait, le lyrisme sourd et, par instants, l'humour leur donnaient une fraîcheur qui tient du miracle. Kōda Rohan (1867-1947) s'était plongé dans l'univers des textes bouddhiques et des classiques chinois. Il allait à l'encontre de son temps, délibérément...