KONJAKU MONOGATARI SHŪ
Intérêt documentaire et littéraire
La partie « bouddhique » du recueil intéresse au premier chef l'historien des religions, qui peut y trouver la somme des croyances, voire des superstitions de l'époque, sous une forme plus accessible au commun des fidèles que dans les écrits théologiques ; l'hypothèse a été avancée du reste, non sans vraisemblance, qu'il pouvait s'agir d'une sorte de corpus d'anecdotes édifiantes dans lequel puisaient les prédicateurs pour illustrer leurs sermons.
Depuis le début du xxe siècle, toutefois, la plupart de ceux qui ont étudié le Konjaku se sont attachés à montrer que son principal intérêt était dans le tableau qu'il présentait de la vie quotidienne, en un temps où seule la société courtoise trouvait place dans une littérature écrite par et pour l'aristocratie. Des réflexions incidentes sur le comportement étrange de telle ou telle classe sociale trahissent certes l'homme de cour, mais cette attitude de l'auteur est plus proche, avec deux siècles d'avance, de celle des épopées anonymes du xiiie que de l'ignorance systématique, faite de morgue ou de dédain, de ses contemporains ; dans le Dit du Genji (Genji monogatari) aussi bien que dans le Dit de magnificence (Eiga monogatari), les fonctionnaires provinciaux, les notables locaux sont au mieux des comparses traités avec une méprisante condescendance ; quant au petit peuple, il constitue une masse indistincte, que l'on tient à l'écart et dont le langage même est à peu près incompréhensible. Dans le Konjaku, ces ombres prennent vie et deviennent parfois les héros d'aventures qui révèlent en elles des êtres humains dignes d'intérêt.
Le style du récit, volontairement concis, d'un ton uniforme, s'écarte résolument des élégances à la mode ; les longues périodes savamment balancées, les métaphores fleuries, les digressions poétiques cèdent ici la place à la précision du mot juste, de l'épithète indispensable, en de courtes phrases où seules importent les nécessités du récit. Cette extrême simplicité des moyens, une sorte de fausse naïveté aussi qui révèle l'homme d'esprit, voilà peut-être la qualité principale de ces historiettes et le secret de leur séduction.
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Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
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