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LORENZ KONRAD (1903-1989)

Les fondements de l'éthologie

Le premier article de Lorenz en 1927, « Beobachtungen an Dohlen », rassemble des observations sur les choucas en un discours naturaliste enrichi de réflexions philosophiques personnelles sur le comportement de ces oiseaux. Mais c'est durant la décennie suivante que Lorenz écrit les articles qui ont fondé sa théorie de l'instinct.

En 1931, il publie un nouveau texte sur les comportements instinctifs sociaux des Corvidés puis en 1935, pour les soixante-dix ans de Jakob von Uexküll, un article théorique, à la fois détaillé et synthétique, intitulé « Le Compagnon dans l'environnement propre de l'oiseau » (« Der Kumpan in der Umwelt des Vogels »). Un concept fondamental de l'éthologie classique, celui de « signal déclencheur », y est clairement exposé. Le déclenchement des actes instinctifs repose sur l'existence de schémas innés préconstruits qui permettent aux animaux de répondre efficacement à certains signaux spécifiques de leur environnement. Lorenz fonde ainsi sa conception des relations entre l'innéité et l'apprentissage, où il pose que celui-ci est une fonction de celle-là

Cela le conduit à l'étude du concept d'« empreinte » (Prägung) proposé par Heinroth. Les oiseaux nidifuges, comme l'oie, le canard, le faisan ou la perdrix, construisent une image du congénère durant un apprentissage précoce qui est limité à une période « critique » allant de quelques heures à quelques jours après l'éclosion. Dans la nature, l'objet de l'empreinte est un congénère, le plus souvent la mère. Cette dernière est suivie ou poursuivie par le poussin lorsqu'elle s'éloigne, et recherchée lorsqu'elle est absente. Mais, si le schéma inné du compagnon social est pauvre en signes, comme chez le jeune oison né en couveuse, ce dernier peut s'attacher à son soigneur. Un jeune choucas, au contraire, étant nidicole, ne peut fixer qu'une image ayant des caractéristiques spécifiques, comme la forme générale et la teinte sombre du corps du congénère. Une fois construite, au-delà d'une courte période de quelques dizaines d'heures, il n'y a pas de réversibilité possible, l'image du congénère, oie ou choucas, agit comme un déclencheur instinctif inné, et cela durant toute la vie de l'animal. La capacité à apprendre est donc strictement encadrée par des facteurs innés.

En 1937, Lorenz généralise les conclusions théoriques de ses observations sur le comportement des oiseaux dans un texte sur la formation du concept d'instinct : « Über die Bildung des Instinktbegriffes ». Il s'agit d'une réflexion critique qui dépasse toutes les spéculations philosophiques antérieures pour fonder le concept dans son acception moderne. Il introduit l'idée d'une composante endogène à l'animal, une pulsion, pour rendre compte d'une énergie spécifique qui s'accumule avec le temps. Ce besoin particulier (alimentaire, sexuel, etc.) oriente un comportement d'appétence dont la fonction est de rechercher la stimulation spécifique, le déclencheur inné, qui provoque l'action instinctive susceptible de le combler. Il confirme l'innéité de l'ensemble du processus en indiquant que « dans tous les cas où l'on a pu constater une modification apparemment adaptative d'un acte instinctif par l'expérience, il s'agissait d'un processus de maturation ».

C'est également en 1937 qu'une collaboration s'engage avec le naturaliste hollandais Nikolaas Tinbergen, dont l'habileté et la créativité d'expérimentaliste complémentent la richesse conceptuelle et philosophique de Lorenz. De cette rencontre naîtra, en 1938, un texte fondateur de l'éthologie classique intitulé « Taxie et action instinctive dans le mouvement de roulage de l'œuf chez l'oie cendrée[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université Paul-Sabatier, Toulouse

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