KONRAD VON WÜRZBURG (1230 env.-1287)
Écrivain le plus marquant de la seconde moitié du xiiie siècle, Konrad von Würzburg a laissé une œuvre considérable. Nous sommes peu renseignés sur sa vie, que seuls les noms de ses mécènes permettent de retracer à peu près. Konrad vit le jour à Wurzbourg vers 1230 ; ce n'est pas un aristocrate et il est appelé Meister (magister), ce qui prouve qu'il a fait de bonnes études. Il connaît le latin et les grands auteurs de l'Antiquité (Ovide, Virgile et Stace par exemple) ; il apprend même le français dans son âge mûr. Jusqu'en 1257-1258, il exerce son activité à Wurzbourg, puis, de 1258 à sa mort (le 31 août 1287 à Bâle), il partage son temps entre Bâle, Strasbourg et Wurzbourg. Il épouse une certaine Berchta qui lui donne deux filles, Gerina et Agnes. Ses œuvres narratives reflètent bien son professionnalisme : Konrad vit de sa plume et écrit à la commande. Ses « clients » sont des nobles, des ecclésiastiques ou des patriciens bâlois ou strasbourgeois.
Son œuvre se compose de légendes hagiographiques (Silvester, vie du pape saint Sylvestre ; Alexius, vie de saint Alexis ; et Pantaleon, vie d'un saint local peu connu) ; de récits : Le Chevalier au cygne (1258), Le Salaire du monde (1266), construit autour de la notion du contemptus mundi, Le Conte du cœur, qui reprend le thème du cœur mangé, et Henri de Kempten, éloge du courage ; de romans : Engelhard, qui s'inscrit dans le corpus de légendes intitulées Amis et Amile, Partonopier et Meliur, adapté d'un roman français et considéré comme la version médiévale du conte Amour et Psyché d'Apulée, La Guerre de Troie, roman antique dont Benoît de Sainte-Maure livre l'essentiel ; nous avons enfin deux poèmes allégoriques, La Plainte de l'art et La Forge d'or. En marge de ces textes, Le Tournoi de Nantes inaugure le genre de la poésie héraldique.
Konrad von Würzburg nous a aussi laissé des poèmes qui témoignent de sa virtuosité et sont tantôt empreints d'un certain maniérisme, tantôt, au contraire, très dépouillés. Ils se répartissent en chansons courtoises — chants d'hiver, d'été, aubes, à la manière des Minnesänger — et en poèmes gnomiques. On en attribue cinquante et un à Konrad : deux ont des thèmes politiques, trois louent les vraies amantes, quatre touchent à l'art et à sa problématique, sept abordent des questions religieuses (eucharistie, memento mori, etc.) ; les trente-cinq autres sont didactiques et un peu conçus comme des miroirs des princes : ils célèbrent la concorde et la générosité, blâment l'avarice, mettent en garde contre les flatteurs, louent l'union de l'aristocratie de naissance et de la noblesse de sentiments, etc. Nous possédons enfin deux lais, l'un consacré à la Vierge et au Christ, l'autre à la Minne (l'amour courtois).
La variété des rythmes et des tons utilisés, la richesse des rimes et des métaphores expliquent la célébrité de Konrad von Würzburg et justifient son entrée dans la légende comme l'un des douze maîtres chanteurs (Meistersinger) aux côtés de Walther von der Vogelweide et du mythique Klingsor. En tant qu'auteur de romans courts consacrés à des sujets chevaleresques, Konrad se situe à la fin d'une époque, mais il en annonce une nouvelle par ses poèmes allégoriques.
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Écrit par
- Claude LECOUTEUX : professeur de langues et littératures allemandes et germaniques à l'université de Caen
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