WITZ KONRAD (1400 env.-av. 1447)
Peintre allemand originaire de Souabe (des documents le disent de Rottweil-sur-le-Neckar, sans préciser qu'il s'agit de son lieu de naissance ou de sa dernière résidence). Konrad Witz fut admis en 1434 dans la corporation des peintres, tailleurs de pierre, orfèvres et verriers de Bâle et devint l'année suivante bourgeois de la ville, où il fonda une famille et parvint à acquérir une certaine aisance. On connaît de lui, outre les œuvres d'attribution douteuse ou discutable (une petite Crucifixion au musée de Berlin-Dahlem, qui n'est probablement pas de lui, et une Sainte Conversation dans une église au musée Capodimonte à Naples), vingt tableaux : un Saint Christophe (musée des Beaux-Arts, Bâle) et dix-neuf panneaux ayant appartenu à trois retables démembrés. Le premier en date est le Retable du miroir du salut, peint vers 1435 pour l'église Saint-Léonard de Bâle (douze panneaux sont conservés sur les seize qui devaient composer les volets à l'origine ; ils se trouvent aux musées de Bâle, de Dijon et de Berlin-Dahlem ; le Retable de saint Pierre fut achevé en 1444 pour l'église Saint-Pierre de Genève, pour laquelle il avait été commandé par l'évêque de la ville : sur les volets, conservés au musée d'Art et d'Histoire de Genève, sont représentées La Pêche miraculeuse (qui évoque aussi le Christ marchant sur les eaux, deux épisodes des Évangiles se rapportant à l'apôtre Pierre), La Délivrance de saint Pierre, L'Adoration des Rois et La Présentation du donateur à la Vierge ; enfin, à un retable plus tardif, peut-être inachevé, devaient appartenir La Rencontre à la porte Dorée (musée des Beaux-Arts, Bâle), L'Annonciation (Musée national germanique, Nuremberg) et Sainte Catherine et sainte Madeleine (musée de l'Œuvre de Notre-Dame, Strasbourg).
Un peu plus jeune que le Maître de Flémalle et que Jan van Eyck, Witz a fortement subi leur influence. Son style, d'une certaine rudesse et non dépourvu de maladresse, le montre trop attentif à ce qui faisait la nouveauté de leur art. Il a certainement vu à Bâle des miniatures flamandes récentes ; la connaissance de l'œuvre de Van Eyck a pu lui être transmise par Petrus Christus, qui a peut-être travaillé dans la région du haut Rhin vers 1433-1434 ; le Saint Christophe reprend un motif eyckien et le Retable du miroir du salut contient d'autres réminiscences précises. Ces derniers tableaux le montrent plus sensible à l'exemple du Maître de Flémalle. Comme lui, il s'attache au rendu exact et minutieux des moindres objets ; les reflets et les ombres portées, qui permettent de situer la source unique de lumière, prennent dans sa peinture une importance primordiale. Konrad Witz s'attache également à la perspective linéaire, mais il en ignore les principes, ce qui le conduit à des exagérations très sensibles. Ces efforts de représentation du paysage restent fragmentaires, ne s'harmonisent pas vraiment en une vision cohérente, d'autant plus que les personnages conservent en général une taille disproportionnée par rapport aux objets qui les entourent et ne s'intègrent pas à l'espace. Par ses insuffisances mêmes et par ses archaïsmes, l'art de Konrad Witz est un témoignage particulièrement révélateur de ce que fut la passion de la figuration du monde sensible chez les artistes de l'époque.
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Écrit par
- Pierre VAISSE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève
Classification
Média