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PAPAIOANNOU KOSTAS (1925-1981)

Unifiant vie et pensée, Kostas Papaioannou fut un philosophe, par sa formation, sa culture, ses goûts, sa forma mentis, et aussi par l'« amour de la sagesse » qu'il avait trouvé dans la tradition grecque dont il était l'héritier.

Né à Volos, Kostas Papaioannou commence ses études à Athènes, et se trouve confronté très jeune aux terribles réalités de la violence, avec la résistance aux Allemands, puis la guerre civile. Ses engagements politiques l'obligent à quitter son pays en 1945, avec de nombreux autres compatriotes qui vont former une diaspora riche en talents divers. Il s'établit à Paris, où il termine ses études de philosophie et où il conduit, jusqu'à sa mort, une carrière d'écrivain, d'enseignant et de chercheur au C.N.R.S.

Dans son œuvre, en langue grecque d'abord, puis en français à partir de 1959, la réflexion sur Marx et sur le destin du marxisme apparaît comme une préoccupation déterminante. Très tôt, en un temps où le marxisme, sous sa version « orthodoxe », c'est-à-dire stalinienne, exerce encore une puissante fascination sur les intellectuels, il se donne pour tâche (avec ses amis du Contrat social, et en premier lieu Boris Souvarine dont le Staline, dès avant la guerre, avait ouvert la voie) non seulement de dénoncer, mais aussi d'analyser patiemment la genèse de ce qu'il considère comme la plus grande mystification de l'histoire. C'est en philosophe et en historien qu'il procède, et la grande familiarité qu'il a avec les textes de Marx, de ses prédécesseurs (Hegel en particulier) et de ses successeurs lui permet l'effort de « sympathie » nécessaire pour percer ce qui est à ses yeux l'énigme majeure du xxe siècle : par quel processus proprement diabolique la pensée d'un homme qui s'était voué à la défense de la liberté sous toutes ses formes a-t-elle pu servir de caution à une monstrueuse entreprise d'asservissement ? C'est à Marx lui-même que Papaioannou demande de « démolir l'inhabitable palais de cristal dans lequel l'idolâtrie l'a enfermé ». Son analyse s'organise autour des deux notions cardinales de « critique » et de « dialectique ». La traduction des œuvres de jeunesse, Critique de l'État hégélien (1976), Manuscrits de 1844 (in F. Engels-K. Marx, La Première Critique de l'économie politique, 1972), fait apparaître un Marx qui, après une période d'« ivresse philosophique » où il prétend retrouver dans le concept hégélien et feuerbachien d'« aliénation » la clef du mystère de l'histoire, « prend congé de sa mythologie de jeunesse » pour s'atteler aux tâches infinies de l'analyse du réel en prenant l'économie politique pour fil conducteur.

C'est ce Marx qui se dégage, avec son génie, ses illusions et ses erreurs, son dogmatisme et son intolérance, mais aussi son inspiration démocratique et libertaire incontestable, de la série d'articles parus dans le Contrat social, qui apportent une contribution capitale à la marxologie contemporaine : « La Fondation du marxisme : I, Ontologie des forces productives ; II, Matière et histoire » (1961-1962), « Marx et la théorie des classes » (1964), « Le Mythe de la dialectique » (1964), « Marx et la politique internationale » (1967), « L'Occident et la Russie. Introduction à la russophobie de Marx » (1968), à quoi il faut ajouter « Marx et la critique de l'idéologie » (in Preuves, 1963) et « Marx et la critique de l'aliénation » (ibid., 1964).

« L'idéologie froide » (1967), « Marx et les marxistes » (1972), et plusieurs autres textes publiés dans différentes revues sont consacrés à la postérité de Marx, à la théorie et à la pratique du « marxisme-léninisme », et suivent les étapes qui mènent de la social-démocratie[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-X-Nanterre

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