KRONOS ou CRONOS
Kronos, fils de Terre et de Ciel, appartient à la deuxième génération divine : « Puis vint le plus jeune d'entre [les Titans], Kronos aux pensers courbes, le plus terrible des enfants ; et il prit en haine son géniteur florissant » (Hésiode, Théogonie). La légende de Kronos est d'abord placée sous le signe de la haine et de son redoublement, la vengeance : tisis, d'où les Titans tireraient leur nom. Ouranos hait en effet déjà ses enfants qu'il ne laisse pas naître, les maintenant au profond des entrailles de leur mère étouffante. Kronos aide Gaia à se venger : avec la serpe qu'elle fabrique, il tranche les testicules de son père et les jette à la mer. Mais, roi des Immortels à son tour, il enferme ses frères, Cyclopes et Hécatonchires, dans le Tartare, et dévore, à peine nés, les enfants que lui donne sa sœur titanide Rhéa : ainsi d'Hestia, de Déméter, d'Héra, d'Hadès, de Poséidon ; mais, au lieu de Zeus, le dernier-né, mis à l'abri dans une grotte, il dévore une pierre que Rhéa, Terre et Ciel imaginent de langer. Enfin, après une guerre de dix ans, Zeus et les fils de Kronos, « rendus » au jour par leur père, aidés des Cyclopes et des Hécatonchires, triomphent de Kronos et des Titans et les enchaînent au Tartare. Ainsi d'infanticide en parricide se répète l'histoire des dieux. L'autre cycle légendaire, qui subit l'influence orphique, se place au contraire sous le signe du bonheur, de l'heureuse fertilité : mythe de la race d'or (Hésiode, Les Travaux et les Jours) sous le règne de Kronos, quand la vieillesse funeste ne pèse pas sur les hommes et leurs fêtes, qui meurent comme on s'endort, pendant que le sol porte de lui-même les récoltes ; mythe de l'île des Bienheureux, gouvernés par un Kronos libéré et réconcilié avec Zeus (ibid.). Cette ambivalence, cruauté et paix, qu'on retrouverait dans le Saturne romain ou le Baal babylonien, assimilés plus tard à Kronos, ne prend peut-être son sens que dans un jeu de mots qui s'autorise d'Aristote (De mundo, 401 a 15) : Kronos, Chronos, Temps. Que le dieu courbe dévore ses enfants, sa progéniture d'instants, et la mesure du présent règne chez les hommes, qui vivent comme des immortels. Mais Zeus et les Olympiens enchaînent le temps, et les races mortelles se succèdent, croissent et périssent dans la démesure.
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Écrit par
- Barbara CASSIN : chargée de recherche au C.N.R.S.
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