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KUMAGAÏ TOKIO (1947-1987)

La brève carrière de Tokio Kumagaï illustre le renouveau esthétique qui a marqué au cours des années 1980 le domaine de la chaussure et qui associe le confort à la plus grande fantaisie.

Né à Sendai au Japon, il effectue des études de mode à l'école Bunka (1966). Le cours de ses études est jalonné de prix universitaires (prix Soen, 1968 ; prix Endoh, 1970).

Attiré, comme beaucoup de jeunes créateurs japonais, par le caractère international de Paris, il se rend en France en 1980. Au même moment, Kenzo, Issey Miyake, et peu après Kansaï Yamamoto, Yuki Torii... se font connaître à Paris, et, dans bien des cas, décident de s'y implanter. Tokio Kumagaï travaille d'abord en tant que styliste free-lance pour Ko and Co (J.-C. de Castelbajac), Fiorucci ou Rodier.

Désireux de se signaler dans le secteur, plutôt négligé, de la chaussure, il ouvre sa première boutique en 1981 dans le cadre de la place des Victoires, un quartier que les créateurs de mode réhabilitent alors et où se multiplient les boutiques d'avant-garde. Le succès aidant, une seconde boutique est créée, rue Saint-Honoré en 1982, qui sera remplacée en 1985 par une boutique située rue de Grenelle. Tokio Kumagaï prend soin de la qualité de la présentation de ses modèles ; il a recours, par exemple, à des totems géométriques copiés sur ceux de Brancusi pour meubler ses vitrines, et ne dispose, dans ce cadre minimaliste, que deux ou trois modèles isolés. Ce parti pris esthétique se situe à l'inverse de la tendance des vitrines de chaussures traditionnelles, dont l'objectif est de donner au consommateur éventuel l'impression d'une abondance inépuisable. Pour célébrer le lancement de ses collections, Tokio Kumagaï demande à des photographes en renom de constituer des parcours visuels, donnant naissance à d'intéressantes séries de documents ou à des albums très sophistiqués. La poésie inattendue de ses créations touche rapidement une clientèle de femmes soucieuses de ne pas confondre élégance et conformisme. Une période « marbre » (série d'escarpins décorés de marbrures et de veines en camaïeu) coexiste avec une période « animale » : chaussures dotées de moustaches, de petites oreilles pointues, à l'extrémité en forme de museau, ou escarpins recouverts de fourrure façon léopard (1983-1984).

La collection en hommage à Jackson Pollock (été de 1983) comporte des souliers peints selon la méthode du dripping ; dans le même esprit, Tokio Kumagaï conçoit des chaussures « Kandinsky ». D'autres créations singulières introduisent une silhouette de cygne (avec des ailes à l'arrière), des chaussures à talons étagés comme les gradins d'une ziggourat.

Après l'ouverture de la société Tokio Kumagaï International à Tōkyō en 1983, le créateur inaugure deux boutiques, l'une à Tōkyō, l'autre à New York, sur Madison Avenue. La mise en scène, le recours aux « colonnes » de Brancusi contribuent à donner à toutes les boutiques de Tokio Kumagaï un air de famille. Les modèles qu'il propose, tout en reflétant parfois un classicisme rigoureux, restent fidèles à une volonté d'originalité esthétique : chaussures « Rolls-Royce », ballerines lacées, chaussures-lèvres...

Bientôt séduits par le talent de Tokio Kumagaï et convaincus par ses succès commerciaux, les grands magasins, à Paris, à New York, à Tōkyō, accueillent des boutiques qui lui sont consacrées. Soucieux d'élargir ses activités, et conscient du vide esthétique qui régne dans la création de vêtements d'homme, Tokio Kumagaï présente au Japon, en 1985, une première collection de prêt-à-porter destinée aux hommes. C'est un prêt-à-porter né de la fusion des formes « sport » et des usages citadins du vêtement ; les formes et les associations de matières sont souvent originales, mais les coloris[...]

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Écrit par

  • : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera

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