KURAMATA SHIRO (1934-1991)
Tout au long de sa carrière, le designer japonais Kuramata Shiro a su associer à son savoir-faire professionnel une dimension poétique peu commune. Célèbre dans son pays, il reste longtemps méconnu à l'étranger et n'acquiert un renom international qu'à partir des années 1980. Il participe, dès 1981, au mouvement d'avant-garde italien Memphis, fondé par Ettore Sottsass. La France le découvre grâce aux espaces graphiques et dépouillés des boutiques parisiennes du styliste de mode japonais Issey Miyake, qui lui confie l'architecture intérieure de la plupart de ses lieux de vente dans le monde.
Né en 1934 à Tōkyō, diplômé du Kawasawa Institute Design en 1956, Kuramata fonde sa propre agence, Kuramata design office, en 1965. II réalisa au Japon plus de deux cents aménagements intérieurs de boutiques aux mises en scène toujours renouvelées. Kuramata a toujours eu le goût de la surprise, des présentations théâtralisées, usant de la métaphore pour susciter le rêve. Il cherche à mettre ses projets en état d'apesanteur, défiant les lois de la statique, introduisant, comme l'écrivait si justement son ami italien le designer Ettore Sottsass, « un état de suspense permanent ». Ombres et lumières, ses créations, d'essence minimaliste, jouent dans un espace-temps avec des structures fragiles et transparentes. En quête de spiritualité, Kuramata conceptualise, par le design, l'immatériel et l'invisible, intégrant la lumière à la matière. Artiste mais aussi humoriste, il se réfère souvent à Duchamp et s'amuse à rendre hommage aux grands designers (Hoffmann, Eileen Gray en particulier) par de subtils clins d'œil. Sa poétique de la forme, ironique et insaisissable à la fois, s'allie au fonctionnel par des jeux de tiroirs secrets, semainiers aux formes sinueuses (Side 1, 1970) ou géométriques – le thème du tiroir lui est cher –, lampe fantôme drapée de plastique (Oba-Q, 1972), chaise en métal déployé ; fauteuil en Plexiglas décoré de roses synthétiques (Miss blanche, 1988). Ce sont les matières artificielles qui répondent en général le mieux à ses exigences : « Je n'ai jamais fait de réelle différence entre la nature et l'artifice », disait-il. Entre art et artisanat, il s'exprime par un travail très raffiné sur des matériaux à chaque fois différents ; il expérimente le plastique, le Terrazzo (agrégat de béton et d'éclats de verre coloré, utilisé notamment pour la table Kyoto, 1983), le métal déployé ou le verre dont il cherche les limites en le craquelant avec brio.
Kuramata a dessiné la plupart de ses meubles les plus connus dans les années 1970. Le Mainichi Industrial Price lui est décerné en 1972, le Japan Cultural Price en 1981. Mais, sans doute trop en avance sur son temps, il lui faudra attendre plus de quinze ans pour voir ses pièces maîtresses éditées par de grandes firmes internationales : Cappellini en Italie, Xo en France, Vitra en Allemagne et Idee au Japon. En 1998, le musée des Arts décoratifs, à Paris, présente une rétrospective de son œuvre, mise en scène par Ettore Sottsass.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Brigitte FITOUSSI : architecte DPLG, rédactrice de la rubrique Design de l'Architecture d'aujourd'hui
Classification