KURDES
Le Kurdistan a fait son entrée sur la scène internationale, après la Première Guerre mondiale et l'effondrement de l'Empire ottoman, avec le traité de Sèvres, signé en 1920 par les belligérants. Le Kurdistan préconisé dans le traité ne regroupait pas toutes les régions habitées par les Kurdes de l'Empire ottoman et ignorait ceux de Perse, mais il faisait des « sauvages » décrits par les voyageurs européens du xixe siècle une entité nationale reconnue. Cependant, le redressement de la Turquie et les convoitises des puissances étrangères (France et Grande-Bretagne notamment) sur le pétrole du Kurdistan méridional furent des obstacles majeurs à la création d'un État kurde. Aussi, avec la délimitation des États modernes au Proche-Orient, les Kurdes, qui étaient répartis jusqu'au début du xxe siècle entre deux empires, se retrouvèrent dispersés principalement entre trois États : Iran, Turquie et Irak, avec une petite minorité en Syrie et quelques éléments en Transcaucasie soviétique. Le nationalisme kurde se développa alors, face au patriotisme exacerbé de la Turquie jacobine d'Atatürk, à l'idéologie conquérante de la « Grande Nation arabe » et à la monarchie centralisatrice du chah d'Iran. Chaque fois que les Kurdes se révoltèrent pour obtenir leurs droits nationaux, leurs gouvernements répondirent par une répression sévère.
Fort de la sympathie internationale, le nationalisme kurde n'en a toutefois reçu que des appuis limités : jusqu'à l'effondrement du bloc communiste et à la guerre contre l'Irak (1991), les dirigeants occidentaux refusaient de s'aliéner les pays arabes producteurs de pétrole et craignaient que le moindre encouragement au séparatisme ne déstabilisât une région voisine de l'Union soviétique. Totalement enclavés, les Kurdes sont contraints de solliciter l'aide des pays voisins, rivaux de celui auquel ils appartiennent, mais qui eux-mêmes oppriment leurs citoyens kurdes ; aussi sont-ils à la merci d'un renversement d'alliances. La donne de la question kurde s'est vue largement modifiée au cours des années 1990-2000. Si cette question reste vivace en Iran, comme en témoigne l'assassinat de dirigeants kurdes iraniens en Europe (en 1989 et en 1992), c'est surtout en Irak et en Turquie qu'elle s'impose comme source de conflit.
Le peuple kurde a donc aujourd'hui pris conscience de son originalité ethnique et culturelle, même si le pays montagneux qu'il habite n'a guère favorisé son unité linguistique et même si sa sujétion à divers États au cours des siècles a constitué un obstacle certain à l'éclosion de sa littérature. Pendant des siècles, les Kurdes instruits écrivirent en arabe, tant leurs ouvrages de théologie, ou de droit, et même leurs travaux d'histoire, que leurs poésies lyriques et mystiques. Certains se servirent du turc. La majorité préférait le persan considéré comme plus noble. Les Kurdes sont encore polyglottes et polygraphes.
Histoire
Un peuple sans État
Le « Kurdistan » est un pays sans frontières. Territoire situé au cœur de l'Asie Mineure, peuplé en majorité de Kurdes, il est partagé entre plusieurs États. En forme de croissant, s'étendant sur 530 000 kilomètres carrés environ de la Méditerranée au golfe Persique, il part de l'est de la Turquie, entame légèrement le nord de la Syrie, recouvre les régions septentrionales de l'Irak, pénètre en Iran pour suivre la courbe descendante d'une bonne partie de la frontière jusqu'aux rivages du golfe.
Les chaînes de montagnes du Taurus et du Zagros dominent ce pays fortement escarpé. Deux grands fleuves – le Tigre et l'Euphrate – prennent leur source en territoire kurde, tandis que leurs affluents arrosent de nombreuses vallées fertiles. Peuple[...]
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Écrit par
- Thomas BOIS : chargé de conférences au Centre universitaire de langues orientales vivantes
- Hamit BOZARSLAN : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Christiane MORE : écrivain, journaliste
- Éric ROULEAU
: journaliste, chef du département Moyen-Orient et de la rubrique Proche-Orient au Journal
Le Monde
Classification
Médias
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