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GÖDEL KURT (1906-1978)

Issue de la pensée de Boole, de Cantor et de Frege au cours de la seconde moitié du xixe siècle, la logique mathématique connaît ses premiers développements grâce à Hilbert et à Russell et Whitehead (premier quart du xxe siècle). Mais c'est à Kurt Gödel plus qu'à tout autre qu'elle doit de prendre rang, en l'espace d'une décennie (les années trente), parmi les sciences mathématiques modernes. Gödel n'a pas seulement résolu certains des principaux problèmes soulevés par la logique mathématique à ses débuts, jetant ainsi sur l'ensemble des mathématiques une lumière toute nouvelle ; il a également fourni à sa discipline un corpus de concepts, de méthodes et de résultats dont elle tire à ce jour une bonne part de sa substance.

Mathématiques et philosophie

Gödel est né à Brno, l'ancienne capitale de la Moravie (alors rattachée, sous le nom de Brünn, à l'Autriche-Hongrie), le 28 avril 1906. Sa famille, de langue allemande, possédait une petite usine de textile.

La scolarité de Gödel à Brno fut marquée par l'intérêt qu'il portait aux mathématiques, mais plus encore à la physique et à la philosophie. D'abord inscrit en physique à l'université de Vienne (1924), il suivit les cours de Furtwängler en théorie des nombres, et passa bientôt en mathématiques (1926). À la même époque, il commença à fréquenter le cénacle philosophique constitué autour de Moritz Schlick, qui allait connaître la célébrité sous le nom de cercle de Vienne. Gödel n'était cependant qu'un participant occasionnel, et il ne fit jamais complètement sienne la doctrine du groupe, le positivisme logique, dont il allait au contraire, à la maturité, s'éloigner définitivement.

En 1929, Gödel établit la complétude du calcul des prédicats, résultat qui lui valut le doctorat en 1930. La même année, il obtenait son premier théorème d'incomplétude, qui parut, accompagné du second, en 1931. Ces résultats, d'une portée immense, firent aussitôt de Gödel, âgé de vingt-cinq ans, un mathématicien célèbre. Nommé Privatdozent à Vienne en 1933, il s'illustra au cours des années qui suivirent dans presque toutes les branches de la logique telle qu'elle se définissait à l'époque. Le plus grand résultat de cette période est la non-contradiction relative de l'axiome du choix et de l'hypothèse généralisée du continu (1938).

L'année 1933-1934 et une partie de l'année suivante furent passées à l'Institute for Advanced Study à Princeton. Gödel y retourna en 1938, après s'être marié, redoutant apparemment, s'il rentrait à Vienne, d'être enrôlé dans l'armée allemande malgré sa constitution fragile ; il décida de rester à Princeton, où il s'était plu, semble-t-il, dès son premier séjour. Il ne devait pratiquement pas quitter l'Institute, dont il fut membre associé à partir de 1939, membre permanent en 1946, professeur, enfin, de 1953 à sa retraite en 1976.

Au cours des années 1938 à 1944, il poursuivit son activité mathématique, sans toutefois publier de résultat nouveau, bien qu'il en obtînt plusieurs.

Vers 1945, les préoccupations philosophiques commencèrent à l'emporter. L'étude de la conception kantienne du temps et de l'espace rapprochée de la théorie de la relativité, dont il était question au cours de fréquentes conversations avec Einstein, son collègue à l'Institute, conduisirent Gödel à d'importants travaux en physique (1947-1950), comprenant une nouvelle solution aux équations de la gravité, qui fondait une conception cyclique du temps.

De 1951 à 1958 environ, Kurt Gödel se consacra essentiellement à la philosophie des mathématiques, approfondissant sa réflexion sur la portée épistémologique des grands résultats de la logique.

À partir de 1958, il porta[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-IV-Sorbonne, ancien directeur du département d'études cognitives, École normale supérieure

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