Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SCHWITTERS KURT (1887-1948)

En se différenciant de Dada en créant sous le vocable Merz un art total, Kurt Schwitters finit par incarner Dada à lui seul et sur tous les plans. Il aura passé toute sa vie à ramasser les déchets, les rebuts de la société, pour en faire de l'art, sous de multiples formes. Tristan Tzara voyait en lui un authentique Dada, qui avait contribué à « déniaiser » la notion d'art et à en dévoiler la mystification. Largement ignoré de son vivant dans son pays, pour des raisons historiques évidentes, son importance internationale ne fait que croître avec le temps.

Les migrations d'un collagiste solitaire

Né le 20 juin 1887 à Hanovre, Kurt Schwitters est issu d'une famille de commerçants. Il prend des cours à l'école des Arts appliqués de la ville en 1908 puis fréquente l'académie de Dresde (1909-1914). Incorporé en 1914 et déclaré inapte au service actif en 1917 (il aurait feint l'imbécillité), il est affecté comme dessinateur industriel dans une usine métallurgique près de Hanovre. Il s'essaie à la peinture expressionniste puis cubiste tandis que, parallèlement, ses poèmes s'inscrivent dans la tradition romantique allemande. À Berlin, il entre en relation avec Herwarth Walden, animateur de la revue DerSturm, et présente deux tableaux abstraits lors d'une exposition collective à la galerie homonyme, en juin 1918. Dans cette même ville, il fait la connaissance des dadaïstes, en la personne de Raoul Hausmann et de Hannah Höch, sa compagne, qui resteront des amis pour la vie. Mais Richard Huelsenbeck et George Grosz s'opposent à son entrée dans le groupe Dada.

Dès lors, il crée son propre mouvement, dont il est le chef et l'unique membre, sous le nom de Merz, vocable extrait de l'inscription « Kommerz- und Privatbank » qui figurait dans l'un de ses premiers assemblages. En juillet 1919, il expose pour la première fois des tableaux Merz à la galerie Der Sturm et publie son programme dans la revue de Walden. Son recueil de poèmes An Anna Blume (Anna Mafleur) est publié par l'éditeur Paul Steegemann en 1919 et reçoit un accueil extraordinairement populaire. Entré en rapport avec les dadaïstes de Zurich, il collabore à leur dernière revue, Der Zeltweg. Après une soirée « Anti-Dada et Merz » à Prague avec Hausmann et Hannah Höch (1921), il participe au congrès Dada-constructiviste (septembre 1922) organisé à Weimar par Theo Van Doesburg, qui est en même temps l'animateur de De Stijl et, sous le nom de I. K. Bonset, un dadaïste influent. Là, il se trouve en accord parfait avec Tzara et Hans Arp.

En 1923, il lance la revue Merz, dont le premier numéro est consacré à la tournée De Stijl-Dada organisée aux Pays-Bas par Theo Van Doesburg et lui-même. Le numéro 2 contient le « Manifeste art prolétarien », rédigé par Schwitters et contresigné par Arp, Spengemann, Van Doesburg et Tzara). « L'art que nous voulons n'est ni prolétarien ni bourgeois parce qu'il doit développer des énergies assez fortes pour agir sur l'ensemble de la culture au lieu de se laisser influencer par les rapports sociaux », proclame-t-il. Alors que les périodiques dada ont cessé de paraître en France comme en Allemagne, Merz va servir de prolongement au mouvement jusqu'en 1932, jetant un pont entre Dada et le constructivisme, comme en témoignent sa mise en page et la collaboration d'El Lissitzky.

La même année, il entreprend l'œuvre de sa vie, le Merzbau, qui finira par envahir sa propre maison à Hanovre. Simultanément, il crée dans cette même ville une entreprise d'affiches publicitaires et il est employé par la mairie comme conseiller artistique dans ce domaine.

Lorsque, en 1937, ses tableaux sont retirés des musées allemands et exposés par les nazis dans le cadre de l'exposition dite d'« art dégénéré », Schwitters émigre en Norvège, où il recrée[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, fondateur du centre de recherches sur le surréalisme (université Paris-III, C.N.R.S.)

Classification

Autres références

  • ABSTRAITS DE HANOVRE

    • Écrit par
    • 2 598 mots
    • 1 média
    ...moderne international, et mettait en exergue la situation de Hanovre : « Parmi les villes dont l'intérêt pour l'art moderne surprend, il y a Hanovre. Toute personne connaissant Hanovre et l'ayant connue dans le passé réagira non sans une certaine curiosité en apprenant que le sol qui donna le jour à...
  • AFFICHE

    • Écrit par
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    KurtSchwitters ouvre un atelier de graphisme à Hanovre, où il met en pratique ses conceptions pour les documents émanant des services publics de la ville, des tickets de transport aux affiches. Tschichold applique les principes de la Nouvelle typographie dans l'édition et dans ses affiches pour le cinéma...
  • BUCHHEISTER CARL (1890-1964)

    • Écrit par
    • 1 053 mots

    Carl Buchheister est né le 17 octobre 1890 à Hanovre, où ses parents avaient une boutique d'artisans. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1910, il trouve un travail temporaire dans une maison de commerce de Brême. Voulant alors apprendre à dessiner, il suit dans cette ville des cours municipaux...

  • COLLAGE

    • Écrit par
    • 2 227 mots
    ...compositions collées. Issu du dadaïsme, John Heartfield assignera par la suite au photomontage une mission de propagande exclusivement politique, tandis que Kurt Schwitters, également proche du mouvement, entend assumer à lui seul l'édification d'un univers plastique inouï, Merz – à partir des...
  • Afficher les 12 références