KUSAMA YAYOI (1929- )
Un art obsessionnel
L'œuvre de cette artiste s'inscrirait effectivement à mi-chemin d'un travail à résonance obsessionnelle et de plusieurs récits de l'art des années 1960, qu'elle n'a cessé d'innerver. On l'a rapprochée des productions du groupe Zéro, de l'art minimal, du pop art, de la contre-culture psychédélique, du body art et de l'art féministe. Soit une multiplicité d'entrées qui à la fois rendent justice à la création protéiforme de Yayoi Kusama et en même temps en amoindrissent la portée. Car de tels rapprochements s'avèrent souvent circonstanciels, résumant ses enjeux à des données superficielles. L'artiste n'a jamais cherché, pour s'en tenir à la part prétendument minimaliste de son travail, à développer un travail sur l'objet, au sens spécifique du terme, selon Donald Judd. Tout au plus a-t-elle puisé, faisant preuve d'une remarquable intuition, dans différents répertoires, pour créer des environnements et performances, peintures et sculptures qui, tout en étant perméables à des effets propres à certaines stratégies contemporaines, ont su contribuer à la « soigner de [ses] obsessions », ainsi qu'« à libérer une image qui est en [elle] », censée « submerger les limites du temps et de l'espace ».
Il n'en demeure pas moins que, contrairement aux différentes ramifications propres à un art dit brut, l'œuvre de Yayoi Kusama ne relève pas d'un repli sur soi, d'une marginalité qui pourrait la tenir à l'écart des réseaux et des exigences de l'art contemporain. Si sa création témoigne d'une dimension thérapeutique, elle débouche, aujourd'hui comme hier, sur des installations ludiques, conçues en collaboration étroite avec des assistants (c'est dire à quel point elles sont dépersonnalisées), convoquant un spectateur résolument extérieur à sa démarche, et souvent peu au fait de la racine psychiatrique qui alimenterait son travail.
L’œuvre de Yayoi Kusama et ses installations immersives font l’objet de nombreuses rétrospectives, au Centre Georges-Pompidou à Paris (2011) et, en 2013, à l’occasion de l’exposition itinérante partie de Marseille-Provence pour finir au Museum of Art de Kochi en Inde, en passant par la Tate Modern à Londres, puis par le Whitney Museum à New York.
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Écrit par
- Erik VERHAGEN : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions
Classification
Média
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