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L'ACACIA, Claude Simon Fiche de lecture

Claude Simon - crédits : Louis Monier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Claude Simon

Dans le paysage des lettres françaises de la seconde moitié du xxe siècle, l'œuvre de Claude Simon (1913-2005), couronnée en 1985 par le prix Nobel, s'affirme comme l'une des plus puissantes. Paru en 1989, L'Acacia est une tentative pour retourner aux sources de la mémoire familiale, une autobiographie paradoxale dont le « je » est banni.

Naissance d'une vocation

Dans les cimetières militaires de 1919, trois femmes en voiles de deuil, accompagnées d'un jeune garçon, cherchent la tombe d'un soldat tombé au combat. En 1940, revenu de la déroute, un jeune homme tente de reprendre pied dans la vie quotidienne, et, contemplant l'acacia dont les branches tremblent devant sa fenêtre, se met à écrire. Entre ces deux « séquences » (la première et la dernière du livre), Claude Simon donne à lire – donne à voir, plutôt, en douze tableaux – la naissance d'une vocation littéraire. Il écrit parallèlement une sorte d'autobiographie familiale et se fait l'archéologue du passé de ses parents. Son roman se présente, en effet, comme un arbre généalogique aboutissant, à travers des générations de paysans pauvres du Jura ou de gens de petite noblesse du Sud-Ouest, à un jeune peintre dilettante qui, mûri par l'épreuve de la guerre, va tenter l'aventure de l'écriture.

L'Acacia se présente donc comme un puzzle, juxtaposant visions de la Grande Guerre et de ses champs de mort, images de la débâcle de 1940, souvenirs d'un voyage à travers l'Europe en crise de 1937, et, surtout – c'est là le plus beau du livre –, des évocations de la vie des parents de l'auteur : son père, fils de paysans du Jura devenu officier supérieur grâce à l'acharnement de ses deux sœurs, restées vieilles filles et cultivant la terre pour subvenir à ses études ; sa mère, riche jeune femme alanguie, promenant son indolence fin-de-siècle de grands hôtels en propriétés familiales, avant de rencontrer le fils de paysans, de l'épouser malgré les réticences de sa famille et de le suivre à Madagascar, où naîtra leur fils : « On aurait dit qu'elle n'avait pas de désirs, pas de regrets, pas de pensées, pas de projets. Elle n'était ni triste, ni mélancolique, ni rêveuse. Plutôt gaie, racontèrent alors ceux qui la connurent à cette époque, gourmande (et donc sans doute sensuelle). » Le père de Claude Simon meurt durant la Première Guerre mondiale, et les trois femmes en deuil du début du livre sont la mère et les tantes de l'écrivain, à la recherche de la tombe de son père.

Peu à peu, et sans jamais que les différents personnages soient désignés autrement que par des pronoms ou par des périphrases, se tisse sous les yeux du lecteur une tapisserie de souvenirs personnels, de légendes familiales, de sensations, de paysages. Ainsi, huit ans après Les Géorgiques (1981), qui était déjà une somme, dans laquelle Claude Simon faisait revivre le personnage de son aïeul Lacombe-Saint-Michel, conventionnel et général d'Empire – figure dont le souvenir réapparaît dans L'Acacia –, en même temps que ses propres expériences de combattant durant la guerre d'Espagne et celle de 1940, Claude Simon, confrontant à nouveau la violence de l'histoire et la sérénité de la nature, parvient à encore plus de densité et à une maîtrise accrue dans la construction de son livre. Jamais autant qu'ici il n'aura donné à ce point l'impression d'être avant tout un peintre, sensible aux couleurs, aux formes, aux matières. Sa phrase, longue, sinueuse, englobante, insistante, truffée d'incises, de parenthèses, d'ajouts, en devient un véritable « corps conducteur » transmettant sensations, odeurs et lumières.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, éditeur

Classification

Média

Claude Simon - crédits : Louis Monier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Claude Simon

Autres références

  • SIMON CLAUDE (1913-2005)

    • Écrit par
    • 3 134 mots
    • 2 médias
    Les trois derniers livres seront encore plus intimes et « à base de vécu ». LAcacia (1989) s’inscrit dans le prolongement direct d’Histoire, puisqu’il se clôt sur le motif de l’acacia, incipit d’Histoire. Le roman s’ouvre sur l’image d’un enfant cherchant avec sa mère la tombe de...