AFFICHE ROUGE L'
FTP-MOI contre polices française et allemande
Cependant, une telle activité ne pouvait laisser l’occupant indifférent. La répression fut, pour l’essentiel, le fait de la BS2 de la préfecture de police, les Allemands (Gestapo, Abwehr) n'intervenant qu'après les arrestations (interrogatoires, procès, condamnations, exécutions ou déportations). Elle pouvait prendre une forme ponctuelle – réactions à la suite d'une attaque des FTP, arrestations inopinées de combattants lors de rafles ou de barrages dans le métro ou dans les rues, etc. Mais la répression adopta surtout une forme stratégique : les inspecteurs des BS s'engageaient dans des filatures et de longues surveillances qui pouvaient durer des semaines, voire des mois, afin de repérer les « planques » des clandestins et de lancer leurs filets sur un maximum de combattants.
Elle connut trois étapes principales. La première aboutit à la fin de mars 1943, après trois mois de filature, à l'arrestation de cinquante-sept jeunes de la section juive de la MOI parisienne, dont leur chef, Henri Krasucki. Celui-ci, alors âgé de dix-huit ans, fut déporté avant de devenir dans les années 1960-1980 l'un des dirigeants du PCF et le secrétaire général de la CGT de 1982 à 1992.
La deuxième vague de répression eut lieu le 2 juillet 1943 : après dix semaines de filature, la police arrêta vingt-cinq militants, dont la plupart des combattants du 2e détachement. Quatre d'entre eux furent fusillés au Mont-Valérien les 1er et 2 octobre 1943. Après cette catastrophe, Boris Holban décida de ménager ses hommes, mais la direction nationale du PCF, et donc des FTP, réclamait toujours plus d'actions. Refusant d’obtempérer, Holban fut démis de ses fonctions à la fin de juillet 1943 et remplacé par Missak Manouchian, un militant arménien, certes courageux, mais qui avait sans doute sous-estimé l'efficacité des méthodes policières.
Alors que les FTP-MOI reprenaient leurs activités de plus belle, la police tendit à nouveau ses filets. Les filatures reprirent le 26 juillet 1943 et aboutirent, en octobre et novembre, à une vague de soixante-huit arrestations (dont 21 femmes), avec des prises majeures : Joseph Epstein (responsable pour la région parisienne des FTP français et des FTP-MOI, fusillé le 11 avril 1944 au Mont-Valérien avec seize autres résistants), Missak Manouchian (n° 1 des FTP-MOI parisiens), Joseph Davidovitch (n° 2), ainsi que trois membres de l'équipe spéciale, plus tout le détachement des dérailleurs. Les FTP-MOI parisiens étaient démantelés et vingt-trois d’entre eux étaient condamnés à mort par un tribunal militaire nazi et exécutés au Mont-Valérien le 21 février 1944, à l’exception de la seule femme, Olga Bancic, déportée en Allemagne et exécutée à la hache le 10 mai 1944.
Boris Holban fut alors rappelé et s’occupa d’abord de retrouver Davidovitch, qui avait été retourné par la Gestapo, et de l’exécuter. Il reconstitua ensuite des effectifs intégrés aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) qui participèrent à la Libération de Paris avant d’être enrôlés dans l’armée française comme bataillon 51/22, formé de cinq compagnies – deux italiennes, deux juives et une « mixte (Espagnols, Roumains, Tchèques, etc.). Ce bataillon, sous les ordres d’Holban nommé commandant, fut cantonné à Paris puis dissous le 8 juin 1945. Revenus à la vie civile, ses hommes connurent des sorts divers : la plupart reprirent leur travail d’avant-guerre, en particulier dans la confection, tandis que nombre d’entre eux, dont Holban, rentrèrent « construire le socialisme » dans leur pays d’origine, désormais soumis à un régime communiste.
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Écrit par
- Stéphane COURTOIS : directeur de recherche honoraire au CNRS, docteur en histoire habilité à diriger des recherches
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