L'ÂGE D'OR DE LA PEINTURE DANOISE (1801-1864) (exposition)
Au xixe siècle, la peinture danoise connaît un véritable essor entre deux périodes sombres pour le royaume : la première voit la guerre avec l’Angleterre, qui lui fait perdre sa flotte en 1801, le bombardement de Copenhague en 1807, la faillite de l’État en 1813, suivie par la cession de la Norvège à la Suède à la suite du traité de Kiel… ; la seconde est celle du dénouement des deux guerres du Schleswig (1864), avec la perte des duchés du Sud sous la poussée des séparatistes soutenus par la Confédération germanique.
Coproduite avec le Nationalmuseum (NM) de Stockholm et le Statens Museum for Kunst (SMK) de Copenhague qui l’avaient accueillie précédemment, l’exposition L’Âge d’or de la peinture danoise 1801-1864 (Petit Palais, Paris, prévue du 22 septembre 2020 au 17 janvier 2021) a permis de redécouvrir, à travers un peu plus de deux cents œuvres issues principalement des collections publiques danoises et suédoises, cette floraison qui avait déjà été mise à l’honneur au Grand Palais en 1984-1985 dans un cadre chronologique plus étroit (1800-1850). Outre la qualité des œuvres présentées, l’intérêt de l’exposition du Petit Palais résidait dans un parcours thématique mettant en lumière les facteurs déterminants et les caractéristiques de cet âge d’or.
Un nouveau statut pour l’artiste
On regrettera toutefois que les commissaires de l’exposition, Servane Dargnies-de Vitry et Christophe Leribault, n’aient pas rappelé en ouverture, à travers quelques œuvres, ce qu’avait apporté la création de l’Académie royale des beaux-arts, à Copenhague en 1754. Au moins deux grands artistes en étaient issus : le peintre et architecte néoclassique et préromantique Nicolai Abraham Abilgaard, qui en fut le directeur, et le portraitiste Jens Juel, lesquels travaillèrent pour la cour de Frédéric V et de Christian VII. Élève d’Abilgaard, le peintre Christoffer Wilhelm Eckersberg est l’une des figures éminentes de la période qui suit, avec le sculpteur Berthel Thorvaldsen. Médaillé d’or de l’Académie en 1809, Eckersberg reçut les leçons de David à Paris et séjourna à Rome d’où il rapporta une peinture de plein air, fondée sur des études tout imprégnées de la luminosité des paysages du Latium, qui allaient marquer la peinture danoise (Vue à travers trois arches du troisième étage du Colisée, 1815, Copenhague, SMK). Professeur puis directeur de l’Académie royale, il en réforma l’enseignement en intégrant les cours de peinture, jusque-là délivrés dans les ateliers privés des professeurs et payants, et en autorisant l’étude du nu féminin. Cette réforme contribua à améliorer et démocratiser la formation des jeunes artistes alors que l’émancipation des talents était en marche, ici comme dans toute l’Europe romantique. La récurrence du thème de l’atelier, espace symbolique de la liberté de la création, et lieu de sociabilité entre collègues (Wilhelm Bentz, Un jeune artiste[DitlevBlunck]regardant son esquisse dans un miroir, 1826, Copenhague, SMK) reflète ce changement de statut.
L’autre temps de liberté est celui du voyage : les médaillés de l’Académie reçoivent une bourse pour se rendre à l’étranger, en Italie principalement, suivant une tradition qui remonte à la Renaissance et qui trouve à partir du xviiie siècle un nouveau lustre avec le « grand tour » aristocratique, souvent en compagnie d’artistes. En Italie, la leçon de l’Antiquité et des maîtres se double de l’attrait exercé par les paysages, la lumière et les mœurs d’un peuple regardé comme l’Antiquité vivante. Les artistes, venus de toute l’Europe, y mènent, par groupes nationaux, joyeuse vie (Wilhelm Marstrand, Fête devant une osteria romaine, 1839, Nivå, collection Nivaagaard). Mais l’actualité attire aussi leur attention vers d’autres destinations : la Grèce et sa guerre d’indépendance face[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Média