L'ANALYSE DE LA BEAUTÉ, William Hogarth Fiche de lecture
William Hogarth (1697-1764) écrivit et publia L'Analyse de la Beauté, destinée à fixer les idées vagues qu'on a du goût..., en 1753, alors qu'il était devenu, après une carrière de graveur et de peintre commencée trente ans plus tôt, l'un des artistes les plus en vue de Grande-Bretagne, un artiste dont la célébrité, par l'intermédiaire de l'estampe, avait atteint toute l'Europe. Mais pour ses contemporains rien, ni chez l'homme, ni dans son œuvre, ne semblait le destiner à donner un ouvrage théorique aussi ambitieux. Cet effet de surprise joue encore aujourd'hui, où Hogarth tient relativement peu de place dans l'histoire des idées esthétiques au xviiie siècle. Mais L'Analyse de la Beauté n'est pas seulement un traité théorique. Le livre est également révélateur d'une certaine conception des arts et de leur place dans la société moderne, et c'est cette réévaluation des idées de Hogarth qui s'impose aujourd'hui.
Un programme, un texte, deux gravures
La page de titre de l'ouvrage est en soi tout un programme. Hogarth y place en épigraphe un passage du Paradis perdu de Milton : « Ainsi l'adroit serpent en cent formes se joue/ Étale ses replis, les roule, les dénoue/ Et, par ses tours changeants et ses folâtres jeux,/ D'Ève occupée ailleurs veut attirer les yeux. » Au-dessus de ces vers, un dessin très simple illustre la pensée de l'auteur : un serpent, en forme de S dressé (c'est la fameuse « ligne serpentine » qui sous-tend la réflexion de Hogarth), est placé dans une pyramide transparente (pour Hogarth un nombre impair, ici matérialisé par le triangle, est toujours préférable à un nombre pair, symbole d'une symétrie synonyme d'ennui et assimilée au classicisme français qu'il repousse). Le socle sur lequel la pyramide est placée est lui-même intitulé Variety, le concept de « variété » jouant un rôle essentiel dans les idées de Hogarth : « Tous nos sens en goûtent les délices, tandis qu'une trop longue uniformité [celle justement créée par une trop grande abondance de symétrie] leur cause de l'ennui. »
C'était proposer en partie un résumé des idées développées ensuite dans le corps du texte. Celui-ci se présente comme une succession de dix-sept chapitres plus ou moins développés abordant successivement des notions générales (la convenance, la variété, l'uniformité, la régularité ou symétrie, la simplicité, la complication, la quantité), puis les aspects plus pratiques de l'art (lignes, manière de composer les formes agréables, compositions avec la ligne ondoyante, composition avec la ligne serpentine, proportions, lumières et ombres, composition relativement aux lumières, aux ombres et aux couleurs, coloris). Le livre se conclut par trois chapitres consacrés plus spécifiquement à la représentation humaine (visage, attitude, action). Viennent enfin deux estampes, « sérieuses et comiques » selon son prospectus de vente, dessinées et gravées par Hogarth : La Cour du sculpteur et La Danse à la campagne, cette dernière inspirée par un projet inabouti d'un Mariage heureux qui aurait fait pendant à son célèbre Marriage-à-la-mode (1745). Chacune des deux gravures est entourée d'un encadrement de vignettes très variées, directement en relation avec les thèmes principaux de l'ouvrage (la ligne serpentine, le mouvement et la dynamique corporelle).
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média