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L'ANALYSE DE LA BEAUTÉ, William Hogarth Fiche de lecture

L'illustration d'une époque

Paradoxalement, L'Analyse de la Beauté ne semble pas, au premier abord, être le versant théorique d'une conception de l'art dont les gravures et les peintures de Hogarth constitueraient l'application pratique. Pour l'auteur, la beauté peut se résumer à la ligne serpentine, qui allie la droite et la courbe tout en ménageant variété, simplicité et convenance, et qui apparaît en filigrane comme typique du caractère artistique britannique, toujours défendu par le nationaliste qu'est Hogarth. Mais l'artiste s'en tient à un grand niveau de généralité, et ne défend pas directement les principes caractéristiques de son œuvre antérieur, en particulier les fameuses séries moralisatrices. Et ni ses peintures, ni ses estampes ne semblent illustrer directement les idées développées dans L'Analyse.

Il ne faut pourtant pas oublier que, dès les années 1720, Hogarth s'est intéressé aux questions théoriques. D'abord par le biais de l'enseignement de l'art, un problème récurrent dans une Grande-Bretagne ne disposant pas, comme la France, d'une académie qui forme les artistes, regroupe les plus éminents d'entre eux en leur assurant l'aura d'un corps socialement reconnu, et en donnant une visibilité à leurs œuvres par leur exposition régulière (ce sera chose faite seulement après la mort de Hogarth, avec la création en 1768 de la Royal Academy). Ensuite par le rôle social qu'il assigne à l'artiste, rôle dont il a toujours été très conscient (ainsi en soutenant l'hospice des enfants trouvés du capitaine Thomas Coram par le don d'œuvres qui furent exposées dans les locaux de l'institution). Le dernier chapitre de L'Analyse traite d'ailleurs du maintien en société : « Il n'y a personne qui ne désirât avoir un maintien aisé, une démarche élégante, et des mouvements agréables, si cela pouvait s'obtenir facilement et en peu de temps. » Au moment où il écrit son livre, Hogarth a réussi une ascension due à son seul talent (il sera nommé en 1757 « Serjeant Painter to the King », l'équivalent d'un premier peintre du roi en France). Se tenant à l'écart des cercles intellectuels influents, il a peut-être voulu montrer qu'il n'en était pas moins capable d'élaborer une théorie, théorie dont la valeur tenait peut-être moins à elle-même qu'à celle de son auteur. L'Analyse de la Beauté est aussi bien une réflexion sur les sensations qu'un manuel pour permettre de les reconnaître et de les transcrire. Hogarth, ce faisant, illustre la place nouvelle accordée aux arts et l'émergence d'un véritable intérêt pour les questions artistiques dans l'Angleterre georgienne.

— Barthélémy JOBERT

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Média

<it>Le Repas à l'auberge</it>, W. Hogarth - crédits :  Bridgeman Images

Le Repas à l'auberge, W. Hogarth