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L'ANGE BLEU, film de Josef von Sternberg

Les pièges de l'amour

Le roman, comme le scénario de départ, ont pour personnage principal le professeur Immanuel Rath qu'incarne, non sans cabotinage, le très célèbre Emil Jannings. Jannings est la grande star allemande de l'époque. Il a été Le Dernier des hommes (Der letzte Mann, 1924), Tartuffe (1925) et même le diable de Faust (1926) chez F. W. Murnau. Fasciné par Marlene Dietrich, qu'il va diriger à sa manière et métamorphoser en cours de tournage, Sternberg privilégie le personnage de Lola-Lola dans sa mise en scène du film en développant trois séquences de numéros musicaux, au début, au milieu et à la fin du récit.

La petite ville provinciale est entièrement reconstituée en studio à Berlin, ce qui permet au cinéaste de styliser les décors à sa convenance. La classe du lycée, les rues du port, les coulisses et la salle du cabaret offrent l'occasion à Sternberg de construire un espace fantasmatique fondé sur des métaphores : la cage d'oiseau dans l'appartement du professeur, la fenêtre fermée dans la classe, les filets de pêche dans le cabaret, la représentation des sirènes, l'escalier circulaire qui permet de monter à l'étage. Tous ces éléments représentent l'univers mortifère du professeur, la tentation du désir, et l'idée du labyrinthe et du piège.

Au départ, Lola-Lola correspond au stéréotype de la chanteuse berlinoise pour public populaire. Elle se distingue à peine de ses comparses, tout en chair, chope de bière à la main. Elle chante avec un érotisme délibérément vulgaire « Ich bin die feshe Lola ». Puis Sternberg va la transformer en figure féminine abstraite, en la désincarnant, en déréalisant la manière dont il la filme. Le cabaret sordide s'évanouit dans la brume du décor. Ne restent plus que les tulles et la lumière tramée qui illuminent une créature de rêve, un fantasme. En trois séquences, Marlene Dietrich abandonne son corps berlinois pour devenir une icône hollywoodienne.

Par ailleurs, L'Ange bleu est l'un des tout premiers films parlants allemands. La maîtrise du son dont Sternberg fait preuve est confondante : l'univers sonore du cabaret, les cris de désespoir du professeur, son imitation du chant du coq, le déchirant « Cocorico ! » de son agonie en témoignent.

— Michel MARIE

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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