L'ANGUILLE, film de Shōhei Imamura
Carrière étonnante que celle de ce cinéaste (1926-2006), ou plutôt, étonnantes carrières, à répétition. Il commence comme assistant du vieux Yasujiro Ozu – comble d'un certain traditionalisme – mais ses premiers films sont placés sous le signe, à la fois du « positivisme documentaire, de la sociologie marxiste et d'une sexologie fondée sur le goût du grotesque » (Koichi Yamada). Compagnon d'armes contestataire du premier Oshima, il évolue lentement, jusqu'aux œuvres à l'ironie plus diffuse, qui lui vaudront d'être le seul cinéaste à avoir obtenu deux fois la palme d'or à Cannes, pour La Ballade de Narayama (Narayama bushiko, 1983) et pour L'Anguille (Unagi, 1997).
Plusieurs fois élu meilleur réalisateur de l'année dans son pays, couronné de lauriers internationaux depuis les années 1980, Imamura, à la différence de presque tous ses collègues, n'a jamais été longtemps délaissé par le succès. Si le public français n'a guère connu ses premières œuvres, Imamura est devenu un habitué des salles de cinéma européennes depuis Pluie noire (Kuroi ame, 1989) et sa palme d'or de 1997. Logiquement, c'est lui qui représente le Japon dans le film international 11' 09'' 2001.
Les voies sinueuses de la rencontre
Une lettre anonyme apprend à un employé, Yamashita, que sa femme le trompe chaque fois qu'il passe la nuit à pêcher. Il la découvre en compagnie de son amant et la tue sauvagement. Huit ans plus tard, en liberté conditionnelle, il s'installe comme coiffeur dans un petit village en bord de mer, sous la surveillance d'un bonze. Il fait la connaissance d'une jeune femme, Keiko, qui tente de se suicider. Elle devient son assistante puis essaie de le convaincre de se marier avec elle, mais il ne peut se résoudre à oublier le passé ; sa seule confidente est une anguille, qu'il a emportée avec lui depuis la prison. Keiko est enceinte de son ex-amant, un escroc qui a extorqué une forte somme à la mère de la jeune femme ; celle-ci réussit à récupérer l'argent, et le gigolo, flanqué de quelques bandits, vient la menacer dans le salon de coiffure. À l'issue d'une bagarre générale, Yamashita réussit à mettre en fuite le malfrat, mais il devra retourner en prison. Keiko l'attendra ; ils garderont l'enfant.
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Écrit par
- Jacques AUMONT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales
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