L'ANTIQUITÉ RÊVÉE. INNOVATIONS ET RÉSISTANCES AU XVIIIe SIÈCLE (exposition)
C'est une exposition remarquable que le musée du Louvre a offerte à son public avec L'Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle (2 décembre 2010-14 février 2011). À travers un choix de plus de cent cinquante œuvres majeures, l'ambition était d'illustrer la naissance du mouvement dit néo-classique, qui, au xviiie siècle, a porté de nouveau l'Europe entière vers la redécouverte de l'Antiquité.
« Au siècle de la critique, du progrès et des révolutions […] ce paradoxal tête-à-queue, du passé devenant le présent et le futur […] aura été le dernier “recours à l'antique” et à l'idée antique de grandeur de l'homme auquel l'Europe chrétienne ait procédé pour aller de l'avant. Ses progrès désormais vont prendre appui ailleurs… », souligne d'emblée, dans son introduction au catalogue, Marc Fumaroli, commissaire général de l'exposition avec Henri Loyrette.
Dans une scénographie très élégante due à Richard Peduzzi et Cécile Degos, l'exposition montrait d'abord comment s'installe, de 1720 à 1770, ce renouveau du goût pour l'antique, lequel prend le contre-pied des inventions débridées du style rocaille et va s'emparer aussi bien des arts plastiques que de l'architecture et du décor intérieur, stimulé par les avancées archéologiques et les débats académiques.
À la faveur du « Grand Tour » – pérégrination en Italie et en Grèce des artistes et des amateurs à la découverte des sites archéologiques –, les aristocrates anglais semblent être les premiers, dans les années 1720, à se projeter dans l'Antiquité et ses valeurs morales, faisant du buste à l'antique (Daniel Finch, deuxième comte de Nottingham, par John Michael Rysbrack, vers 1723) une règle que le continent ne partage guère avant le milieu du siècle.
La connaissance du passé romain et grec se nourrit des découvertes archéologiques et de la diffusion de recueils illustrés. Dans le deuxième tiers du siècle, l'équilibre entre la référence à l'antique et la fidélité à la nature, dont l'œuvre du sculpteur Bouchardon ouvre la voie, s'impose à la faveur de débats (animés par Caylus, Cochin, Mariette, La Font de Saint-Yenne) qui aboutissent à une rénovation de la pédagogie artistique, dont témoignent les séances de dessin sur le modèle immortalisées par Natoire ou Cochin. Le Charon de Subleyras (vers 1735), le Mercure attachant ses talonnières de Jean-Baptiste Pigalle (1744), le Dédale de Vien (1749), l'Anacréon de Pajou (1755) montrent bien comment s'opère progressivement, et sur des modes divers, cette nouvelle synthèse entre nature et culture qu'on trouve également à Rome chez un Batoni et un Mengs.
Les estampes de Piranèse, connues de toute l'Europe éclairée, contribuent à alimenter une nostalgie de Rome – qui transparaît également dans les vues imaginaires d'un Louis-Joseph le Lorrain ou de Hubert Robert – et à imposer une nouvelle esthétique dans le domaine de l'architecture et des arts décoratifs. Des projets de Soufflot (basilique Sainte-Geneviève, à partir de 1756) à ceux de Robert Adam (Lincoln Inn Fields, vers 1774) et de Brongniart (Caisse d'escompte, vers 1789), c'est le retour à la pureté et à la « vérité » de l'architecture antique qui s'impose (chez Soufflot, en réaction au faux-semblant de l'art jésuite). Inspirés notamment par les découvertes archéologiques, le décor intérieur (projets de Robert Adam pour Kedleston Hall, vers 1761, et de Bélanger pour une cheminée de style gréco-égyptien) et le mobilier (console de l'Italien Ignazio Marchetti, vers 1769) semblent au contraire puiser à ce que le répertoire ornemental antique a de plus raffiné, comme l'évoque si bien Vien dans sa Marchande d'amours[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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