L'ARCHÉOLOGIE DU SAVOIR, Michel Foucault Fiche de lecture
Une théorie générale de la discontinuité
Ce qui sépare l'analyse archéologique de l'histoire des idées est précisément significatif du programme épistémologique que Michel Foucault rattache au décentrement opéré par Marx, Nietzsche et Freud. La première, « tentative pour faire une tout autre histoire de ce que les hommes ont dit », récuse la totalité des postulats et des procédures de la seconde, dont les grands thèmes – la genèse, la continuité, la totalisation – sont autant de développements reconstitués dans le cadre d'un devenir linéaire. Ce programme n'est pas, en réalité, séparable des changements qui parallèlement ont affecté la façon de penser et d'écrire l'histoire : en ce domaine, les traditionnels découpages temporels et les enchaînements classiques de faits ont fait place à des distributions sérielles. Il ne l'est pas non plus d'une extension de l'analyse structurale à tous les secteurs de la connaissance. Dans l'ensemble des sciences humaines et sociales, on s'est appliqué à défaire les liaisons artificielles, à dissiper les complicités imaginaires, à rompre d'illusoires continuités, pour construire à nouveau frais des rapports, constituer des unités nouvelles, élaborer des séries.
L'Archéologie du savoir représente donc une contribution majeure à la mise en forme d'une théorie générale de la discontinuité. Cette dernière, que l'on s'est toujours employé à réduire, s'y trouve conceptualisée, explorée, instrumentalisée au même titre que la différence et la dispersion, en entraînant la destitution du sujet – simple « déchirure dans l'ordre des choses » –, qui a échoué à les penser. La recherche qui s'y systématise de « la discontinuité anonyme du savoir » aboutira à une reformulation du programme dans la Leçon inaugurale, L'Ordre du discours, au Collège de France (1971). En se proposant de faire l'inventaire des procédés qui, dans toute société, contrôlent la production des discours, Foucault allait étendre son entreprise de reconstitution des clivages à la société disciplinaire. En 1971, il fondait, avec Jean-Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet, le G.I.P. (Groupe d'information sur les prisons). En 1975, il donnait, dans Surveiller et punir. Naissance de la prison, une description du pouvoir punitif et carcéral ainsi qu'une généalogie de la morale moderne.
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Écrit par
- Bernard VALADE
: professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de
L'Année sociologique
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