ARÉTIN L' (1492-1556)
L'œuvre écrite de l'Arétin
C'est à Venise que l'Arétin a composé le plus clair de son œuvre ; les écrits religieux, destinés à faire la preuve de sa vertu et du bien-fondé de ses prétentions moralisatrices, y alternent avec les comédies et les dialogues volontiers obscènes, où l'auteur prétend dévoiler les tares de la société de son temps.
À la première catégorie appartiennent la Paraphrase des psaumes de la pénitence de David (1534), l'Humanité de Jésus-Christ (1535), la Genèse (1538), la Vie de la Vierge Marie (1539), la Vie de sainte Catherine (1540) et la Vie de saint Thomas d'Aquin (1543). Certaines de ces œuvres ont connu de nombreuses éditions du vivant de l'auteur et un grand succès auprès de ses contemporains, qui y prisaient sans doute la vulgarisation de l'Histoire sainte, simplifiée et traduite en une succession de fresques hautes en couleur présentant des affinités certaines avec les compositions picturales de Titien. L'oubli dans lequel elles ont sombré par la suite s'explique non seulement par les interprétations souvent peu orthodoxes qu'on y trouve des Écritures et les multiples anachronismes auxquels l'auteur n'hésite pas à recourir pour donner plus d'évidence à ses « tableaux », mais aussi par l'abus des métaphores, de l'hypotypose et les incessantes et artificieuses redondances par lesquelles il cherche à élever son style à la hauteur de son sujet : cette « façon de parler bouffie et bouillonnée de pointes, ingénieuses à la vérité, mais recherchées de loing et fantasques » qui, quelques dizaines d'années plus tard, rebute déjà le sobre Montaigne (Essais, I, LI).
Très différent est le style alerte, truculent des cinq comédies de l'Arétin dont la composition alterne pourtant avec celle des écrits religieux. Dans certaines scènes de la Cortigiana, écrite à Rome en 1525, puis refondue en 1534, lors de la première édition, on retrouve la verve mordante des pasquinades des années précédentes. Mais l'auteur ne s'y livre plus aux diatribes de naguère contre les prélats et à la révélation des dessous de la politique de l'Église. Marchant à sa façon sur les traces de quelques illustres devanciers, l'Arioste, le cardinal Bibbiena, Machiavel, qui avaient fait renaître, dans le premier quart du xvie siècle, la comédie italienne des cendres du théâtre latin de Plaute et de Térence, c'est toute une fresque de la vie multiforme de la cour romaine qu'il veut présenter à travers l'enchevêtrement de deux intrigues principales doublées de deux épisodes secondaires, véritables comédies dans la comédie. Cette pièce confuse sans action digne de ce nom reste le premier témoignage éloquent des dons de conteur de l'Arétin, de cette verve « mimétique » par laquelle il excelle à évoquer les joies de la taverne ou l'enfer des cuisines et des offices, les farces, les plaisanteries et tous les petits faits anodins qui rythment l'existence quotidienne des courtisans, à camper en quelques traits de plume et deux ou trois répliques les personnages hétérogènes qui gravitent autour du palais pontifical : favoris pleins de morgue, « provinciaux » niais et pédants, proies offertes à une légion de joyeux lurons, serviteurs ou courtisans facétieux, qui sont les véritables dei ex machina de la comédie et de la vie de cour ; fripiers juifs, charlatans, pêcheurs crédules, maris ivrognes et femmes infidèles, moines hypocrites, courtisanes et entremetteuses travestissant leurs gredineries sous d'habiles patenôtres.
La deuxième comédie de l'Arétin, le Marescalco (composé avant 1530 et publié en 1533), offre une farce truculente sur le thème du mariage, écrite plus de dix ans avant la « consultation » de Panurge : le duc de Mantoue feint de vouloir marier de force son maître[...]
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Écrit par
- Paul LARIVAILLE : professeur à l'université de Paris-IV
Classification
Média
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