ARIOSTE L' (1474-1533)
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Les poésies lyriques et les satires
Les poésies latines de l'Arioste, qui remontent pour la plupart aux années 1494-1504, sont d'inspiration principalement amoureuse. Animées, élégantes, elles attestent une connaissance étendue des élégiaques latins et un sens de l'imitation créatrice proche de la doctavarietasd'un Politien. Sous un vernis pétrarquisant qui est alors de rigueur, mais ne demande qu'à craquer sous la plume de l'Arioste, deux sortes d'amour s'y dessinent, l'une et l'autre charnelles, la passion obsédante et le dilettantisme sensuel, sans y être nulle part opposées – ce qui n'est pas l'un des moindres signes par où s'annonce l'auteur du Roland furieux. Une de ces pièces, du reste, formera, à quelques retouches de métrique près, six octaves du grand poème où Bradamante assure Roger de l'invulnérabilité de son amour.
Les sept Satires qui nous sont parvenues par une édition posthume de 1534 s'échelonnent entre l'automne de 1517 et le printemps de 1525. Leur point de départ est toujours d'ordre personnel. Même quand l'Arioste disserte sur le mariage, il prend prétexte de ce qu'il n'est pas marié lui-même pour traiter deux ou trois fois de son célibat endurci. Le caractère autobiographique des Satires est tel qu'on a pu dire que ces vers nous en apprennent plus sur la vie du poète que les deux cents lettres qu'on a conservées de lui. L'Arioste ne s'y érige pas en accusateur public, il ne se retranche pas d'un univers contestable avec pour seul dessein de le flétrir. Sa muse n'est pas l'indignation. Ses Satires sont plutôt l'œuvre d'un homme qui se considère au milieu du monde tel qu'il va et y cherche sa place et sa chance. S'il raille les coureurs de prébendes, il se compte franchement, en s'adressant à son frère Galasso, parmi eux : qu'il obtienne le bénéfice convoité, il en confiera la charge à un homme de bien qui l'assumera au péril de son âme, et il restera laïc, se contentant du revenu. Pour se mêler aux prébendiers et courtisans qui peuplent ses Satires, il trouve un motif suffisant dans l'accession à l'indispensable loisir littéraire : comment, à cette époque, pourrait-il en jouir autrement que grâce aux bénéfices et pensions que dispensent des protecteurs ? Si bien que le plaidoyer pro domo l'emporte ordinairement sur la veine proprement satirique. On exagérerait à peine en disant que l'accusation, quand accusation il y a, est corollaire de l'autodéfense. Mais ces poésies, autant épîtres que satires, n'en sont pas affadies pour autant. Une verve appuyée, qui n'a peur ni des mots ni des choses, un sens du trait énergique et coloré que soutient en profondeur une finesse narquoise les mettent parmi les satires les mieux venues de la littérature italienne. Si l'Arioste ne les a pas publiées de son vivant, ce n'est pas seulement par crainte de se faire des ennemis : certaines n'eussent probablement offensé personne. Mais, comme c'était lui-même qu'elles concernaient au premier chef, il s'est contenté de les faire connaître à ses amis, se réservant sans doute de les publier quand il les aurait revues, corrigées, parfaites, comme il a revu, corrigé et parfait le Roland furieux. Il dut estimer qu'elles ne méritaient d'être répandues qu'en tant qu'œuvres d'art, non à titre de leçons de morale ou d'exhortations au repentir.
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Écrit par
- Paul RENUCCI : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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