L'ART DE LA PLUME EN AMAZONIE (exposition)
Malgré leur rareté en Europe, les expositions sur l'art amazonien séduisent toujours un large public. L'Art de la plume en Amazonie, présenté du 23 janvier au 30 mars 2002 à la Fondation Mona Bismarck de Paris, a offert aux visiteurs une plongée dans une mosaïque de couleurs vives.
Les parures de plumes ont toujours fasciné. Si elles ont peu à peu disparu du vêtement féminin au cours du xxe siècle, elles ont en revanche connu un remarquable essor dans les revues de cabaret. Il faut rappeler que les somptueux costumes des danseuses du Lido ou des Folies-Bergère trouvent en partie leur origine dans les ornements que les Indiens Tupis du Brésil revêtaient lorsqu'ils présentaient au xviiie siècle leurs danses à la Cour du roi de France.
Les Indiens d'Amazonie se parent de plumes. Discrets ornements corporels au quotidien, ces parures deviennent, à l'occasion de fêtes et de cérémonies, des attributs polychromes très élaborés : diadèmes, coiffes, couronnes, masques, boucles d'oreilles, ornements de lèvres, colliers, brassards, bracelets, ceintures ou jambières.
Dans l'uniformité glauque de la plus grande forêt tropicale humide du monde, les seules taches de couleurs qui attirent les Indiens sont celles des plumages des milliers d'espèces d'oiseaux qui la peuplent. Grâce à eux, l'Amérindien dispose d'une palette exceptionnelle et d'une source de matière première quasi inépuisable.
En Amazonie, la plumasserie est un art essentiellement masculin. Les hommes chassent les oiseaux, sélectionnent et découpent les plumes pour confectionner des parures qu'ils porteront d'ailleurs avec plus d'ostentation que les femmes lors des rites.
L'art de la plume oblige l'artisan à développer des techniques spécifiques pour acquérir sa matière première. En effet, la violence des méthodes de chasse traditionnelles risquerait d'endommager l'objet même de la convoitise. Ainsi a été inventé tout un éventail de moyens de chasse non destructifs comprenant appeaux, pièges, filets et flèches-assommoirs.
La réserve de plumes constituée de cette manière est cependant insuffisante, aussi des oiseaux sont-ils apprivoisés pour pallier tout manque. Ce sont surtout des perroquets, des aras et des toucans que l'on met en cage afin de les plumer régulièrement. Il faut en effet des dizaines d'oiseaux pour réaliser certaines parures. C'est ici que l'on observe une technique de coloration artificielle de plumes des plus étonnantes, qui témoigne de l'ingéniosité des artistes indiens, le « tapirage » qui semble trouver son origine chez les populations des Guyanes. Il consiste à arracher les plumes de la poitrine de l'animal, généralement un perroquet vert, puis à badigeonner sa peau avec du venin de grenouille. En repoussant, les plumes ont perdu leur couleur originelle et se teintent de jaune, d'orange ou de rouge.
Dans d'autres cas, la couleur des plumes est modifiée par la chaleur, la vapeur ou par une décoction de bois du Brésil qui les teintera de rouge.
Toutes les plumes d'un oiseau peuvent être utilisées, et même le bec, que ce soit les longues pennes de la queue et des ailes, les plumules du jabot, ou les larges plumes des ailes et de l'abdomen. Parfois utilisées dans leur état originel, les plumes peuvent être découpées, à l'aide d'un instrument tranchant ou par brûlage, en rectangle, en triangle, en biseau, en dents de scie, etc.
Dans un ornement, le choix des oiseaux, des couleurs, du type de plumes et de leur agencement permet d'identifier le groupe amérindien qui l'a créé en affirmant ainsi sa différence.
Assembler et fixer ces fragiles éléments demande une grande habileté. Les plumes ou leurs fragments sont soigneusement imbriqués par collage ou par ligature sur un support rigide ou flexible, souvent[...]
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Écrit par
- Stéphen ROSTAIN : archéologue, chargé de recherche au C.N.R.S.
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