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L'ART DE LA RENAISSANCE EN FRANCE (H. Zerner)

L'Art de la Renaissance en France (Flammarion, 1996) offre une démonstration de véritable histoire de l'art, qui ne quitte pas d'une semelle l'examen des œuvres elles-mêmes et des rares documents d'archives subsistants. C'est un travail de réflexion approfondie qui est ici proposé. Plutôt que de proposer un panorama complet de l'art de la Renaissance en France, le livre est organisé autour d'une série de « noyaux durs », où sont reprises, remaniées et prolongées certaines des études menées par Henri Zerner au cours des années.

À propos du sous-titre, L'invention du classicisme, l'auteur souligne qu'il n'a à aucun moment cherché à définir le « classicisme », car toutes les définitions en sont ou purement conventionnelles ou extrêmement relatives. Il serait plus exact de parler de style antiquisant. Les Français des années 1530-1540 ont rencontré « toutes les phases de la Renaissance italienne à la fois » : le Quattrocento, l'art « classique » de la génération de Raphaël (ordre, clarté, stabilité), les développements michel-angélesques, le maniérisme de la génération suivante. Ce que nous considérons comme « anticlassique » (l'art de Rosso, par exemple) ne leur paraissait pas forcément tel, et le caractère antiquisant était ce qui devait les frapper d'abord.

Le fil directeur du livre est donc la réception française de l'art antique, connu parfois directement, mais surtout, pour commencer, à travers l'art italien. Zerner le déclare d'entrée de jeu : « Il est impossible aujourd'hui de réduire la Renaissance française à l'adaptation plus ou moins heureuse du modèle italien. » Ce fut longtemps possible, mais la façon de voir des historiens a été modifiée, depuis un peu plus de deux décennies, par diverses recherches, dont celles de Zerner lui-même. L'apport le plus passionnant du livre réside dans son insistance sur les continuités et les traditions. En réalité, les traditions en place étaient, au xvie siècle, pleines de puissance et de vitalité, et elles n'ont cédé honteusement le terrain ni à la mode italienne ni à l'impératif d'imitation de l'Antiquité. Elles se sont plutôt diversement combinées avec eux. Le résultat est un art entièrement original et un bon nombre de chefs-d'œuvre, trop méconnus. Zerner nous les donne littéralement à voir, dans une série d'analyses précises, brillantes, soutenues par de superbes illustrations.

Dans l'architecture, la Renaissance italienne cultivait – jusqu'à la paralysie – les valeurs de régularité et de cohérence et recherchait l'intégrité du tout. Dans un éblouissant premier chapitre, Zerner montre comment au contraire, en France, le style gothique en place privilégiait la variété, le contraste, la surprise, et se préoccupait surtout du caractère du morceau. Or, d'une part, ce style est resté en usage pour les édifices religieux tout au long du xvie siècle ; d'autre part, son esprit même lui a permis d'accueillir sans problème, et souvent avec virtuosité, toutes les adjonctions de style antiquisant (chapelles, tours, jubés, clôtures de chœur...). Le frontispice de la cathédrale de Rodez, motif romain juché au sommet d'une haute façade gothique, constitue, vers 1560, le chef-d'œuvre du genre. Enfin, les essais de synthèse n'ont pas manqué. La plus parfaite est celle de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, cette église à la fois entièrement gothique et entièrement Renaissance, que symbolise le fameux jubé où le nouveau vocabulaire ornemental est utilisé exactement comme dans l'art flamboyant.

Alors que l'ornement classique se donne comme un ajout plus ou moins amovible, qui ne fait qu'accentuer « les articulations d'une structure architecturale comprise comme un grand corps[...]

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