L'ART DES ANNÉES 1960. CHRONIQUES D'UNE SCÈNE PARISIENNE (A. Tronche) Fiche de lecture
Critique d'art reconnue, Anne Tronche fut aussi au cours des années 1980 inspecteur général à la création artistique au ministère de la Culture. Commissaire d'expositions, elle est également l'auteur d'une série de publications, dont un ouvrage intitulé L'Art actuel en France, du cinétisme à l'hyperréalisme (1973), qui proposait déjà un état des lieux concernant la scène artistique française de l'époque. Elle poursuit de manière beaucoup plus conséquente avec L'Art des années 1960. Chroniques d'une scène parisienne (Hazan, 2012) qu'elle a judicieusement choisi de rédiger à la première personne.
1960, les années fertiles
Très marquée par le surréalisme, Anne Tronche avoue volontiers : « La lecture de Nadja m'a enseignée très tôt que les promenades au gré d'une ville transforment aisément le hasard en rencontres. » Faisant jouer sa mémoire et la très vaste connaissance du milieu qui est la sienne, elle raconte et analyse en profondeur, avec une extrême liberté de jugement, ce que furent tout au long d'une décennie ses rencontres avec les artistes, mais également avec leurs œuvres, qu'elles soient exposées dans les galeries ou dans des institutions.
Si elle n'a pas souhaité faire œuvre d'historienne de l'art, Anne Tronche, en bonne sociologue de son milieu, nous rappelle que, dans ces années d'intenses innovations, ce sont surtout les marchands qui jouèrent le rôle d'accompagnateurs militant en faveur de productions éphémères, voire invendables. En effet, ce n'est qu'à partir de l967 que les rapports entre l'institution et la création la plus vivante commencèrent à se modifier. Par ailleurs, l'auteur dresse un tableau particulièrement efficace du climat « libertaire » entourant 1968, qui incita nombre d'artistes à prendre des positions politiques et à adopter, dans les nombreux débats qui eurent lieu à l'époque comme dans leurs œuvres, un comportement très critique, pour ne pas dire agressif, vis-à-vis de la société.
Refusant les données historiques en usage, Anne Tronche explique : « Ce sont moins les systèmes formels tels que le discours esthétique en a consigné la nature, que les attitudes adoptées par les uns et les autres qui m'ont conduite à repenser les classifications, à rapprocher ce qui en principe ne devait pas l'être ». Ce faisant, elle a pris le parti de s'en tenir à ce qu'Harald Szeemann appelait si justement « les intentions intenses » des artistes qui ont traversé ces années fertiles et dont elle a choisi de commenter la production. De manière vivante, l'auteur conjugue portraits, visites d'ateliers, souvenirs d'entretiens, analyses de l'œuvre, sans oublier le regard porté par l'ensemble de la critique sur les productions de l'époque. À cela s'ajoute, et il convient de le souligner, des choix iconographiques remarquables et le plus souvent inédits.
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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