L'ART DES ANNÉES 1960. CHRONIQUES D'UNE SCÈNE PARISIENNE (A. Tronche) Fiche de lecture
Au cœur des avant-gardes
Anne Tronche classe les artistes de manière très personnelle dans dix-sept chapitres qui vont du « Réel en proie à son double », où l'on trouve Daniel Spoerri, Gérard Deschamps, Martin Barré, Gérard Titus-Carmel et Robert Malaval, pour conclure sur une pratique qui lui tient particulièrement à cœur avec « Le corps en action », qui regroupe Jean-Jacques Lebel, Gina Pane et Michel Journiac. Anne Tronche a un goût prononcé pour la littérature et les littérateurs qu'elle mêle habilement à ses chroniques, en choisissant des intitulés de chapitre particulièrement heureux, dont on retiendra : « À l'Horizon des mots » pour Ben, les lettristes, Hervé Télémaque, Jan Voss, Gil Joseph Wolman, et Roland Topor, ou « Machines à défaire les certitudes » pour Jean Dupuy, Piotr Kowalski, Jean Tinguely et Edmund Alleyn. Il y a là des rencontres passionnantes avec des artistes qui en étaient à leur tout début et qui ont obtenu par la suite une reconnaissance officielle, comme Christian Boltanski et Annette Messager, César et Jean-Pierre Raynaud, ou encore Daniel Buren et Antoni Tàpies. Elle n'en exclut pas pour autant ceux qui pour une raison ou pour une autre sont restés sur le bord de la route, et auxquels elle voue une fidélité exemplaire, comme Gianni Bertini, G. J. Wolman ou Jean-Michel Sanejouand.
Marcheuse infatigable, à l'affût de tout ce qui se tramait ici ou là, si elle s'est enthousiasmée pour la rétrospective consacrée à Jean Dubuffet par François Mathey au musée des Arts décoratifs à Paris en 1961, Anne Tronche a également parcouru les galeries et fait jouer son regard de critique sur nombre d'artistes étrangers qui exposaient alors dans la capitale. C'est le cas, parmi d'autres, pour Michelangelo Pistoletto à la galerie Sonnabend (1964), Jannis Kounellis chez Alexandre Iolas (1969), Carl André chez Yvon Lambert (1971) ou encore le groupe japonais Gutaï chez Rodolphe Stadler (1957-1962).
Anne Tronche évoque fort peu son militantisme en faveur de la création et l'aide qu'elle a pu apporter à nombre de projets artistiques, lorsqu'elle occupait un poste important à la Délégation aux Arts plastiques. Dans le dernier chapitre de ses Chroniques, elle évoque son échec lorsqu'elle a essayé de faire acquérir par l'État Le Distributeur automatique d'œuvres d'art exposé au Salon de Mai 1970 par Michel Journiac. Celui-ci, comme Jean-Jacques Lebel et Gina Pane, que l'auteur a grandement défendus, sont les artistes majeurs d'une pratique où, lors de performances, le corps mis en scène et en espace se fait œuvre d'art à part entière.
Il y a dans ces Chroniques d'une scène parisienne, le plaisir de revivre, pour ceux qui l'ont connue, une effervescence artistique incontournable au regard du présent, et pour tous ceux qui ont tendance à l'ignorer un appel à une mémoire dont il serait dommage qu'elle se perde.
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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