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L'ART DU NU AU XIXe SIÈCLE. LE PHOTOGRAPHE ET SON MODÈLE (exposition)

Le succès obtenu par L'Art du nu au XIXe siècle. Le photographe et son modèle, exposition présentée à la Bibliothèque nationale de France du 14 octobre 1997 au 18 janvier 1998 a consacré cet établissement comme un des lieux majeurs de la recherche sur la photographie ancienne. Les collections conservées par le département des Estampes et de la Photographie constituent, en nombre et en qualité, probablement l'un des fonds les plus importants au monde. Le dépôt légal qui, dès ses débuts, a touché la photographie comme toute image reproductible, complété par des dons ou des acquisitions, est à l'origine de cette richesse. On commence tout juste à en prendre l'exacte mesure : il a fallu, depuis plusieurs années, le travail patient de conservateurs spécialisés pour inventorier, trier, attribuer et surtout étudier cet ensemble extrêmement divers, où les grands noms côtoient les anonymes, et les sujets classiques des recherches beaucoup plus audacieuses. C'est tout cela qu'a traduit Le Photographe et son modèle, dont l'initiative revient à la Bibliothèque nationale, fédérant autour d'elle deux autres institutions, l'École nationale supérieure des beaux-arts, dont la contribution était naturellement appelée par le thème traité, et le musée Rodin, qui permettait d'illustrer la problématique générale par deux cas précis, ceux des sculpteurs Rodin et Falguière.

On sait combien l'étude du nu a été capitale dans la formation artistique depuis la Renaissance, au point que le nom d'académie désigne tout aussi bien cette pratique que l'institution où elle était enseignée. L'apprentissage du métier de peintre ou de sculpteur fut ainsi, durant plus de trois siècles, synonyme de ces séances d'après le modèle vivant, indifféremment masculin ou féminin. C'était là l'élément central de l'enseignement artistique, le point de départ obligé, un exercice auquel d'ailleurs ne dédaignaient pas de revenir des artistes déjà engagés dans la carrière, tel Géricault retournant dans l'atelier de son maître Guérin alors qu'il avait déjà exposé l'Officier de chasseurs à cheval chargeant ou le Cuirassier blessé quittant le feu. Que la photographie, dès ses débuts, ait fait une large place au nu « académique » n'est donc pas pour surprendre. Les contemporains pouvaient naturellement penser y trouver l'équivalent commode du modèle vivant, permettant de s'affranchir des contraintes que celui-ci entraînait. Les rapprochements effectués au début de l'exposition, notamment avec des dessins du xviiie siècle, soulignaient cet usage utilitaire de la photographie, concrétisé dans des recueils ou des collections largement répandues. Un espace était tout entier dévolu à Delacroix, qui fit prendre en 1854 par un professionnel, Eugène Durieu, une série de nus masculin et féminin, les deux modèles ayant posé sur les indications du peintre, qui dessina par la suite, à Paris ou dans ses villégiatures de province, d'après l'album ainsi constitué. De même Falguière, qui avait l'habitude de travailler d'après des photographies de modèles auxquels, suivant le témoignage d'un contemporain, il faisait prendre « l'attitude et le geste du personnage rêvé », tout en arrivant à leur « insuffler dans le regard et l'expression la souffrance ou l'extase ». Autre découverte de l'exposition, les innombrables études de nus photographiques prises par le peintre José María Sert, étape capitale dans l'élaboration de ses travaux décoratifs.

La beauté et la force intrinsèques de ces documents invite toutefois à ne pas les enfermer dans la simple catégorie des instruments de travail. Influencées par les académies peintes ou dessinées, les photographies de nu ont su aussi imposer leur spécificité[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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