L'ART ET L'ILLUSION, Ernst Gombrich Fiche de lecture
Ancien directeur et professeur de l'Institut Warburg, Ernst Gombrich (1909-2001) se présente avec insistance dans L'Art et l'illusion comme un disciple d'Ernst Kris, historien d'art et psychanalyste ayant mené avec lui des expériences sur la perception physionomique dans les œuvres d'art : c'est dire que l'intention est ici d'utiliser les réalisations et les problématiques des artistes occidentaux, depuis les Égyptiens jusqu'à l'op art, pour étudier les phénomènes de la perception visuelle et les aspects psychiques de la création artistique ; et, en contrepartie, de porter un regard neuf, débarrassé de certaines illusions, au sens de naïvetés, sur l'histoire de l'art occidental, en l'envisageant du point de vue de la perception du réel et de sa transcription. Les trois Préfaces aux éditions successives mettent l'accent sur la fécondité heuristique des décloisonnements universitaires, et l'on perçoit, à travers les références bibliographiques de l'auteur, le considérable investissement intellectuel opéré pour croiser de façon pertinente les approches des sciences expérimentales et la culture historique. Gombrich a conservé à l'ouvrage la forme d'une série d'essais développés à partir de conférences tenues en 1956. L'ensemble ne compose pas une théorie systématique, mais apporte des éclairages divers sur des aspects généraux de l'art, et Gombrich met lui-même en application la conception de l'esprit comme « projecteur mobile » qu'il doit à Karl Popper, un esprit qui construit progressivement ses repères et ses « vérités » par une série d'expérimentations, conscientes ou non, d'hypothèses et de corrections, progressant prudemment du familier à l'inconnu. Ces études tournent ainsi autour de la notion d'illusion : illusion de vérité que produisent les peintures de paysage, illusion de ressemblance pour les portraits, illusions optiques particulières dues aux types de perspective et aux procédés de trompe-l'œil, mais aussi illusion des impressionnistes, convaincus de ne coucher sur leurs toiles que leurs pures « images rétiniennes ».
Une démarche transdisciplinaire
Gombrich analyse les distinctions entre vision et connaissance. Il examine les conceptions successives de la perception humaine, depuis les sensualistes anglais jusqu'aux théories récentes de la Gestalt. Il importe dans le champ de l'histoire de l'art les premières recherches en linguistique formalisée, en sémiologie et en théorie de la communication, disciplines alors débutantes ; ce qu'il ne faut pas oublier si l'on pense aujourd'hui que certaines de ses affirmations sont des évidences. Il s'appuie également sur les écrits de Platon, de Pline l'Ancien, de Philostrate, et sur des témoignages de peintres, Léonard de Vinci ou John Constable.
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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