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L'ART ITALIEN, DE LA RENAISSANCE À 1905 (dir. P. Morel)

L'art italien est inégalement connu et apprécié. À en juger par la production éditoriale et la fréquentation touristique, le goût de notre temps privilégie le Moyen Âge et la Renaissance. De l'abondante production des xviie et xviiie siècles, l'amateur ne retient aujourd'hui que quelques grands artistes : il est sensible aux scènes de genre de Caravage, à la sculpture de Bernin ou aux fresques de Giambattista Tiepolo, mais il n'éprouve guère d'attirance pour les gigantesques tableaux d'autel des Bolonais, qu'il jugera grandiloquents, ou pour les façades et les intérieurs des églises jésuites, qu'il trouvera surchargés. Le discrédit s'aggrave pour le xixe siècle : seul peut-être le sculpteur néo-classique Antonio Canova (1752-1822) y échappe. Hors d'Italie, qui connaît aujourd'hui les grands peintres que sont le romantique Francesco Hayez (1791-1882) ou le divisionniste Giovanni Segantini (1858-1899) ? Les Macchiaioli sont loin d'avoir la cote des impressionnistes, le sculpteur Medardo Rosso (1858-1928) n'intéresse les Français que pour ses relations avec Rodin.

Les deux gros volumes sur l'art italien que Philippe Morel a coordonnés chez Citadelles & Mazenod (1997, 1998) contribuent à rétablir l'équilibre. Le premier allait de l'Antiquité tardive à la Renaissance, le second va de 1580 à 1905. Ils sont indissociables l'un de l'autre, d'abord parce que l'architecture de la Renaissance prend place dans le second volume (tous deux atteignent ainsi le même nombre de pages), ensuite parce qu'on retrouve dans l'un et l'autre les qualités de la collection (notamment l'abondance et l'excellence de l'iconographie). Le second, très stimulant, permet de redécouvrir dans leur variété trois siècles mal aimés. Abstraction faite de l'architecture de la Renaissance (traitée par H. Hubert), il s'articule en quatre chapitres chronologiques, rédigés chacun par un spécialiste de la période : 1580-1660 (E. Cropper), 1660-1770 (C. Michel), 1770-1815 (F. Mazzocca), 1815-1905 (A.-P. Quinsac).

Le bref chapitre qui traite de 1770-1815 est décevant. Énumératif alors même qu'il est le seul à porter un titre stylistique (« le goût néo-classique »), il ne fait guère apparaître de cohérence. L'époque est troublée (abolition des anciens États, suppressions d'ordres religieux, éphémère mais forte présence de Napoléon et de sa famille), elle est peut-être dépourvue de cohérence profonde, mais il conviendrait alors de s'interroger sur l'appellation « néo-classicisme » (évidemment rétrospective) et de mettre en lumière la coprésence d'orientations contradictoires : retour aux « formes classiques » ou attention à l'art antérieur à Raphaël ; exemplarité de l'histoire ancienne ou refuge dans la mythologie ; glorification de l'empereur ou culte des Italiens illustres, etc.

Les trois autres chapitres, excellents, prennent chacun une tournure spécifique : les époques traitées diffèrent beaucoup les unes des autres. Ils présentent cependant trois traits communs.

D'abord, les trois auteurs font ressortir l'abondance et la variété d'une production qui demeure polycentrique même après l'unification politique. Ils sont ainsi amenés à ne traiter que des centres qu'ils estiment les plus importants : E. Cropper, qui privilégie la peinture au détriment de l'architecture, se focalise sur Bologne et Rome ; C. Michel se concentre sur Rome, Naples, Turin et Venise ; A.-P. Quinsac insiste sur l'enracinement des courants artistiques dans les diverses académies des Beaux-Arts, principalement celles de Milan (pour le romantisme) et de Florence (pour les Macchiaoli). Rien de commun avec la précoce centralisation artistique de la France.

Ensuite, les[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres classiques, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire de l'art moderne à l'université François-Rabelais, Tours

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