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ARTISTE L', revue d'art

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George Sand - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

George Sand

Créée en 1831 pour défendre et illustrer les valeurs nouvelles du romantisme, la revue L'Artiste connut jusqu'en 1904 une existence tumultueuse. Elle constitue une source essentielle pour connaître l'histoire de l'art et l'histoire littéraire du xixe siècle français. De nombreux jeunes artistes, les Johannot, Decamps, Raffet, collaborent à la revue et lui donnent, au premier abord, une coloration nettement « romantique ». Le jeune critique Jules Janin est omniprésent ; Balzac y écrit occasionnellement des nouvelles ; Chateaubriand y donne des avis d'architecture ; George Sand y parle de théâtre. C'est dans L'Artiste que l'on trouve alors les traductions des contes fantastiques d'Hoffmann. Les critiques y lisent, en guise de modèle suscitant un nouvel engouement, des extraits des Salons de Diderot. Par la suite, la revue accueillit les signatures de Nerval ou de Théophile Gautier. C'est sur cette trompeuse liste de noms glorieux que L'Artiste a trop souvent été jugée : on en a conclu, sans la lire, que la revue avait été formée pour accueillir les grands prophètes du romantisme, populariser leurs idées et qu'elle y était parvenue avec éclat – avant de s'assoupir jusqu'en 1904. La réalité est plus complexe.

« Faire l'histoire, jour par jour, de l'art français »

Ce mot d'ordre de L'Artiste, qui se donne pour but de parler de peinture, de sculpture, d'architecture, d'arts décoratifs et de musique, signifie que le but de la revue est de laisser parler tous les artistes, romantiques ou non, même si la préférence des rédacteurs va aux plus jeunes. L'idée d'une nécessaire « association » des artistes, similaire à la Société des gens de lettres qui fut fondée en 1838, revient pourtant sans cesse sous la plume des publicistes qui veulent élargir le lectorat. La première série comprend quinze volumes, parus entre le 6 février 1831 et le 22 avril 1838. La périodicité de ces cahiers de quinze pages en moyenne est hebdomadaire. Chaque livraison est accompagnée de deux hors-texte : la formule est fixée. L'originalité de la première version de L'Artiste, dirigée d'abord par Achille Ricourt, est de placer sur un pied d'égalité le texte et l'image (planches en hors-texte et vignettes d'illustration). Aux grands critiques débutants que sont Jules Janin ou Gustave Planche répondent les frères Johannot, Devéria ou Gavarni. Balzac donne Le Chef-d'œuvre inconnu, modèle du roman philosophique sur l'art. Léon Noël lithographie les portraits des artistes à la mode et des grandes figures du théâtre romantique. Le projet se veut d'emblée universaliste. Le Salon constitue la trame essentielle des livraisons hebdomadaires et se suit comme un feuilleton. De 1831 à 1838, la revue prétend haut et fort défendre les valeurs du romantisme et porter les couleurs de Delacroix – dont les collaborations sont en réalité des plus limitées. Dans la complexité des réseaux du Paris des années romantiques, on peut cerner ce que Léon Gozlan appela « la bande de L'Artiste » et trouver ses points de ralliement, cafés, théâtre, lieux d'exposition...

La quête principale menée par la revue, à Paris, mais aussi très largement en province, est double : elle cherche le renouvellement dans les arts et surtout à définir l'école française contemporaine. Cette vision panoramique englobe la vie théâtrale et lyrique, le style de vie « romantique » avec ses modes, ses bals et ses misères... Elle est indissociable d'une vision historique qui donne sens au musée et à l'histoire de l'art. Par le biais de fictions « en costumes » ou d'études sérieuses, L'Artiste fait revivre les maîtres d'autrefois pour expliquer ceux du présent. La cohérence du projet, à travers les directorats successifs, est donc prépondérante et explique sans doute la pérennité du titre. Elle transcende la dispersion apparente des sommaires et l'impressionnante liste des artistes cités dans la revue, qui font de L'Artiste une comédie humaine des arts.

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Le premier des combats menés par L'Artiste, et qui permet les autres, c'est la défense de l'éminente dignité du critique d'art. Le singulier du titre confère à ce héros des temps nouveaux un rayonnement égal à celui du poète. Ensuite, la revue prône, dans quelques domaines bien arrêtés, des formes artistiques nouvelles qui doivent tout à l'impulsion romantique, même si elles n'en conservent pas la lettre. Elle prend la défense de la sculpture, art mal aimé que L'Artiste prétend rendre populaire (recommandant des artistes médiévalistes comme Antonin Moine, Félicie de Fauveau, Aimé Chenavard ou Marie d'Orléans), des monuments historiques et de l'architecture moderne, de l'estampe enfin, trois lignes de forces autour desquelles s'articule sa pensée. La défense de l'estampe est bien évidemment centrale, combat dominant qui fut sans doute le seul victorieux durant ces années-là. Avec ses estampes, des lithographies d'abord puis, de plus en plus d'eaux-fortes, L'Artiste méritait d'être collectionné comme une œuvre d'art à part entière.

En 1838 s'arrête la première série. La seconde publication de 1838, avec une typographie et un format différents, correspondant à une formule renouvelée et plus luxueuse, est le premier de la deuxième série de L'Artiste. Le successeur de Ricourt, Hippolyte Delaunay, entend améliorer la substance de son journal. Il conserve Janin comme rédacteur en chef jusqu'en 1840. Les articles seront désormais signés, on ne donnera de nouvelles que du monde de l'art, on insistera sur la province, enfin, on introduira les lecteurs « dans les ateliers ».

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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George Sand - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

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