L'ATELIER DE FERRARE, Roberto Longhi Fiche de lecture
Formé à la critique d'art avant de devenir professeur à l'université de Bologne, puis de Rome, Roberto Longhi (1890-1970) est considéré comme l'un des meilleurs connaisseurs de la peinture italienne du xive au xviie siècle, des primitifs aux caravagesques. L'Atelier de Ferrare (Officina ferrarese) est la traduction des divers textes qu'il a publiés successivement sur le foyer pictural ferrarais, à partir du compte rendu d'une vaste exposition organisée à Ferrare en 1933. Nourri de compléments, repentirs et apostilles, ce texte permet au public français d'aborder une prose difficile pour le non-spécialiste, mais assez fascinante parce qu'elle semble faire assister le lecteur au travail mental de l'expert, appuyé sur une connaissance impressionnante des noms d'artistes et des œuvres conservées en histoire de l'art.
L'autorité d'un connaisseur
À lire les analyses de Roberto Longhi, on prend la mesure d'une culture visuelle exceptionnelle, développée dès l'enfance, et d'une mémoire des caractères stylistiques des peintres d'une étonnante subtilité. Lui-même se réclame de Giovanni Battista Cavalcaselle, de sa méthode de repérage des détails, des indices révélateurs qui trahissent la personnalité des peintres, lui qui développa une sorte de graphologie des styles ; mais au-delà des formes, de la palette et de la touche, ce sont les éléments expressifs, la conception de l'homme, de la nature, l'émotion spécifique que procure chaque tableau qui sont pris en compte. L'Atelier de Ferrare est exemplaire en ce qu'il s'attache à trois aspects majeurs du travail du connaisseur : la reconstitution des polyptyques démembrés à la suite de vicissitudes historiques ; la reconstitution du corpus des œuvres d'un maître par l'attribution (jugement comparatif qui incite à accorder au même maître des tableaux possédant suffisamment de caractères formels et expressifs identiques ou proches) ; et la reconstitution du parcours stylistique d'un artiste au cours de sa carrière, infléchi par ses déplacements et ses rencontres, les apprentissages et les influences subies, les nouvelles modes figuratives et les nouveaux besoins des commanditaires. Il en résulte à la fois une sorte de géographie artistique aux contours mouvants et perméables et une sorte de généalogie des peintres (d'où les fréquentes métaphores du tronc et des rameaux, des greffes et des hybridations).
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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