L'AUTRE RIVE, LE LIBAN (exposition)
Du 27 octobre 1998 au 2 mai 1999, l'Institut du monde arabe à Paris a présenté le patrimoine libanais dans sa diversité – outillage préhistorique, idoles phéniciennes, stèles hellénistiques, mosaïques byzantines, icônes melkites –, mais aussi dans la continuité d'une civilisation méditerranéenne où les mythes naissent des errances du commerce et de la guerre. Plus de cinq cents objets venaient des musées de Beyrouth, dont le Musée national rouvert en novembre 1997, du Louvre et des fouilles récentes du centre-ville de Beyrouth.
Échanges de biens, d'hommes et d'idées étaient les thèmes récurrents, sous-tendus par ce qui les a rendus possibles : l'écriture.
Écrites en accadien à l'âge du bronze (3200-1200), les tablettes en argile d'Amarna manifestent la dépendance de la région vis-à-vis de l'Égypte. Au travers de cette correspondance où le gouverneur de Byblos se plaint au pharaon d'un chef tribal, se lisent les luttes entre nomades montagnards et cités-États de la côte. Grâce à son port, Byblos commerce, mais c'est aussi la cité sainte de Balaat Goubal à qui sont offertes des centaines de figurines en bronze plaquées d'or. Certaines phases de l'histoire, comme le passage de la Syrie côtière et intérieure sous la domination hittite au xive siècle, n'ont laissé aucune trace archéologique et ne sont signalées que par les tablettes en argile des archives d'Ougarit. Dans le courant du IIe millénaire l'alphabet s'élabore ; une plaque en cuivrede Byblos porte un texte pseudo-hiéroglyphique resté indéchiffré. Les plus anciens témoignages de l'écriture alphabétique en langue phénicienne remontent à l'âge du fer : sur des pointes de flèches en bronze s'inscrivent le nom de leur propriétaire et sa fonction. Monumental, le Sarcophage d'Ahirom, à Byblos (vers 1000) porte le premier texte phénicien qui nous soit parvenu : « Sarcophage qu'a fait Ittobaal fils d'Ahirom, roi de Goubal, pour son père Ahirom lorsqu'il l'a placé pour l'éternité. Et si un roi parmi les rois ou un gouverneur parmi les gouverneurs ou un chef d'armée monte à Goubal et ouvre ce sarcophage-ci, que le sceptre de son pouvoir soit flétri, que son trône royal soit renversé, et que la paix s'enfuie de Goubal. Et quant à lui, que son nom soit effacé “à la face de Goubal” ». Les noms demeurent : c'est par l'Inscription du roi Yehilmilk (xe siècle), restaurateur des temples, que l'on a reconstitué la dynastie phénicienne de Goubal-Byblos. Tyr et Sidon diffusent par les marchands la langue et l'alphabet phéniciens jusqu'en Espagne d'où provient une Statue d'Astarté en bronze, et fondent Carthage à la fin du ixe siècle. Mais les échanges se font à double sens et la Stèle du Carthaginois Yaamas porte la première inscription punique trouvée au Liban.
Aux vie et ve siècles, les Phéniciens, alliés à la flotte perse, n'en multiplient pas moins les échanges avec la Grèce : ils rapportent d'Égypte des sarcophages anthropoïdes qui sont à l'origine de la vogue, à Sidon jusqu'à la fin du ive siècle, de cette forme désormais exécutée en marbre de Paros par des artistes grecs. Hellénisés, les Phéniciens conservent leur langue : la Statue votive d'un petit garçon, dédiée dans le temple du dieu-guérisseur Echmoun à Sidon et grecque de style, porte cependant une inscription en phénicien.
La primauté du phénicien s'efface après la conquête d'Alexandre au milieu du ive siècle et la langue grecque se répand dans la Phénicie hellénistique. Découverte en 1995, la Stèle de Robia représente la défunte sur un lit de parade et l'inscription qui la salue est en grec. Phénicien et grec coexistent cependant sur un même monument : le Cippe[...]
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Écrit par
- Hélène ERISTOV : chargée de recherche au CNRS, unité mixte de recherche, archéologies d'Orient et d'Occident, École normale supérieure, Paris
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