L'AVVENTURA (M. Antonioni), en bref
Présenté au festival de Cannes en 1960, L'Avventura de Michelangelo Antonioni (1912-2007) a déclenché une des rares « batailles d'Hernani » du cinéma. Le public, dérouté, accueillit le film avec cris et sifflets, tandis que la majorité de la critique prenait son parti. Un film dont la narration paraît aujourd'hui limpide, histoire d'un couple qui se défait, d'un autre qui se constitue, sans certitude, au cours d'une lente dérive à travers les paysages de Sicile. Au centre, la disparition d'une femme, qui demeurera inexpliquée. C'est cette ellipse au cœur du récit qui fait la nouveauté et la force, aujourd'hui encore, de L'Avventura, comme du cinéma d'Antonioni. Pas de psychologie ni d'introspection, pas de dialogue où chacun se justifierait. Pas de véritable dénouement. Tout passe par le mouvement des corps, les silences, la relation physique et sensuelle qui se noue entre les visages de Monica Vitti et Gabriele Ferzetti, et les paysages des îles Éoliennes ou l'architecture urbaine, la précision des cadrages et de la lumière d'un superbe noir et blanc, où le metteur en scène se souvient de ses premiers courts-métrages documentaires. Pour saisir la transformation du sentiment amoureux dans le monde moderne, Antonioni choisit de filmer les temps faibles, l'abandon, le presque-rien. À l'expression théâtrale des passions, il oppose une certaine forme de désarroi : dès lors que la parole vient à manquer, les corps et les visages ne sont que plus exposés, oscillant entre la réification et la tentation de l'absence. Toujours guidé par la présence incertaine de Monica Vitti, Antonioni poursuivra son exploration de ce « monde sans qualités » dans La Nuit (1960), L'Éclipse (1962) et Le Désert rouge (1964).
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média