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L'ÉCHELLE DU MONDE. ESSAI SUR L'INDUSTRIALISATION DE L'OCCIDENT (P. Verley)

À l'heure où le phénomène de la mondialisation fait prendre conscience à la fois de l'extrême complexité et de la globalisation du marché, le livre de Patrick Verley, L'Échelle du monde (Gallimard, Paris, 1998), venait nous rappeler que l'industrialisation de la fin du xviiie et du xixe siècle, qui permit à l'Occident de s'imposer aux autres pays du monde, s'est mise en place non pas en vase clos mais grâce à des échanges et des apports permanents avec le monde extérieur pour aboutir à la constitution de marchés sectoriels ou régionaux. En posant la question des modalités de cette industrialisation, Patrick Verley a donc été amené à élargir le champ de son enquête qu'il évalue désormais « à l'échelle du monde ». Cette démarche ne pouvait être le fait que d'un historien maîtrisant la masse des travaux historiques qui, depuis le début du xxe siècle, confirment ou contredisent les théories des économistes. Les travaux antérieurs de l'auteur posaient déjà les premiers jalons de ce questionnement du phénomène industriel, en particulier La Révolution industrielle(1997) et Entreprises et entrepreneurs (1994). Le présent ouvrage est donc l'aboutissement d'une démarche longuement mûrie, fondée sur une connaissance exceptionnelle de la littérature parue sur le sujet. L'étude ne se limite donc pas à un seul pays mais porte sur l'ensemble des pays occidentaux. Cette abondance de documents et d'informations permet à l'auteur de conforter une analyse qui contredit parfois les interprétations traditionnelles. Le but ultime de sa recherche est, en effet, de faire comprendre que l'industrialisation apparue à partir de la fin du xviiie siècle n'était pas le début d'un processus de développement économique, social et culturel mais l'aboutissement d'un certain degré de développement antérieur selon les formes traditionnelles.

Dans une première partie, Patrick Verley montre combien les transformations ayant contribué à l'épanouissement de l'industrialisation avaient suscité de réflexions de la part des économistes. D'Adam Smith et David Ricardo jusqu'aux néo-libéraux contemporains, en passant par Karl Marx et John Maynard Keynes, les modèles d'analyses ne manquèrent pas aux historiens pour orienter leurs recherches et trouver de nouvelles approches du problème des causes de la révolution industrielle. Dans ce chapitre, l'auteur, plutôt que de reprendre les vieux débats sur les analyses des causes du phénomène, se propose d'essayer de comprendre pourquoi ceux-ci ont conduit à des impasses.

Ayant envisagé les différentes prises de position des historiens concernant les origines de la révolution industrielle et les rôles respectifs de l'offre et de la demande, Patrick Verley affirme qu'il n'y a pas eu une cause première à l'industrialisation. Il s'efforce de montrer qu'antérieurement aux grandes mutations des facteurs de l'offre, présentées traditionnellement comme les plus déterminantes, préexistait une configuration favorable des marchés, configuration qui jouait un rôle soit initiateur, soit permissif. Cette configuration renvoie à la complexité des structures sociales pour le marché intérieur et à celle des relations internationales sur les marchés extérieurs.

L'auteur s'est donc attaché à décrire les marchés et à mettre en valeur quelques processus créateurs. Pour les marchés intérieurs, la production industrielle est fondée, du xviiie au milieu du xixe siècle, sur la consommation des biens les plus élémentaires (vêtements, ameublement, alimentation). Or la hausse de la consommation de ces produits est attestée dès le xviiie siècle en Grande-Bretagne dans de larges couches de la population. L'auteur insiste particulièrement sur le fait que la[...]

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