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L'ÉDITION FRANÇAISE DEPUIS 1945 (dir. P. Fouché)

L'Histoire de l'édition française, du Moyen Âge à 1950, qui parut de 1981 à 1986 chez Promodis, fut considérée comme un pari éditorial audacieux, au nom du prétendu désintérêt des Français pour l'histoire du livre. Ce que démentit sa rapide réédition en présentation brochée chez Fayard. Cette vaste Histoire s'achevait avec l'après-guerre.

Le défi d'embrasser la seconde moitié du xxe siècle fut relevé par Pascal Fouché, éditeur et auteur, notamment de L'Édition française sous l'Occupation (1987). Il a assumé la direction de cette monumentale publication de 936 pages sur L'Édition française depuis 1945 (éditions du Cercle de la librairie, Paris, 1998), composée d'une trentaine d'importants articles signés d'auteurs venus des horizons les plus divers : éditeurs généralistes ou spécialisés, historiens de l'édition contemporaine, chercheurs et journalistes, graphistes, économistes, juristes et ingénieurs.

La première partie de cet ouvrage explore chacun des principaux domaines de l'édition, pour lesquels nous ne citerons que quelques contributeurs : de la littérature (Anne Simonin) aux sciences humaines et sociales, de l'art (Adam Biro et Alain Nave) à la jeunesse et à la bande dessinée, du scolaire-universitaire (Alain Choppin) au livre religieux, du pratique à l'édition scientifique, des ouvrages de références (François Guerard), encyclopédies et dictionnaires, aux nouveaux supports électroniques (Daniel Garric et Jean-Michel Ouillon). Deux « nouveaux » champs d'édition sont également analysés : le phénomène des clubs du livre et celui du poche, une double révolution tardive en regard de l'édition allemande, britannique et américaine.

Pour chaque genre sont recensés les auteurs et leurs œuvres, ainsi que l'évolution des maisons d'édition. Mais l'originalité de cet ouvrage repose sur l'analyse de l'interaction auteur-éditeur dont on ne peut dire qu'elle détermine à elle seule le succès ou l'échec d'une publication. Un des intérêts majeurs des articles sur les domaines éditoriaux est de démontrer l'influence décisive des editors, des directeurs de collection, noms notoires ou inconnus hors la profession, souvent auteurs eux-mêmes, qui décident du sort des manuscrits et, fait moins apparent pour le public, des orientations et formules éditoriales innovantes. Celles-ci sont souvent liées au succès imprévu d'un auteur qui a tracé une voie nouvelle, sans en avoir pressenti les possibles déclinaisons. Autre domaine d'interrogation, la réaction du public – son enthousiasme, sa tiédeur ou son rejet – demeure une des zones les plus obscures à explorer, même si – en apparence – elle est plus facilement décryptable a posteriori.

De même, l'influence de la critique – celle qui mérite ce nom – peut être majeure, ou quasi nulle, face à la pression des leaders d'opinion et des modes, et ce double écho est ici parfaitement révélé. Si quelques prix littéraires paraissent déterminants, avec des scores toutefois fort contrastés, ceux qui couronnent tous les autres domaines de l'édition restent purement honorifiques et s'avèrent sans réelle influence sur les tirages.

Autre phénomène majeur, propre à cette période : si une maison est dirigée par un éditeur à part entière et seul maître de son programme, celui-ci définit sa politique. Cependant, la plupart des sociétés sont des lieux de pouvoirs où règnent en alternance la continuité et l'irruption de nouveaux responsables soudain sacralisés ou rejetés, et cette alternance, positive ou destructrice, si elle est mise ici en lumière, reste parfois trop discrètement évoquée. Or l'importance des enjeux économiques – en clair le sort des maisons, notamment dans le cadre des rachats et restructurations – bouleverse les politiques[...]

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