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L'ÉDUCATION SENTIMENTALE, Gustave Flaubert Fiche de lecture

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

Lorsqu'il publie Salammbô en 1862, Gustave Flaubert (1821-1880) a consacré quatre années à ressusciter l'Antiquité de Carthage. Il aspire à revenir dans son siècle et à s'atteler à l'écriture d'un roman qui serait situé au cœur de celui-ci. Aussi remet-il en chantier une œuvre de jeunesse, restée dans ses cartons et inspirée par la figure obsédante d'Elisa Schlésinger, la femme d'un éditeur de musique qu'il avait rencontrée sur la plage de Trouville lorsqu'il avait quinze ans, et à laquelle il avait aussitôt voué une intense et toute platonique passion. De cette œuvre, déjà intitulée L'Éducation sentimentale, Flaubert conserve la trame profondément autobiographique : le personnage principal restera un double de lui-même, Marie Arnoux une nouvelle incarnation d'Elisa Schlésinger et l'ouvrage « un livre d'amour, de passion ».

Du roman intimiste à la fresque sociale

Toutefois, au fur et à mesure qu'il travaille au plan du roman, les ambitions de Flaubert grandissent. Le roman intimiste se transforme peu à peu en large fresque, le récit centré sur un individu s'élargit à tout un groupe et l'Histoire – c'est-à-dire la révolution de 1848, la fondation de la IIe République et le coup d'État du 2 décembre 1851 – vient s'inscrire au sein de la fiction : « Je veux faire, dit-il, l'histoire morale des hommes de ma génération, sentimentale serait plus vrai. » Parti pris de sociologue davantage peut-être que de romancier, qui le conduit à s'interdire les trompe-l'œil du romanesque pour s'approcher au plus près, scrupuleusement et presque scientifiquement, de la véracité des histoires ordinaires. Dans L'Éducation sentimentale, il n'y a ni drame ni héros, simplement la chronique d'êtres communs faisant l'apprentissage de la vie.

Le 15 septembre 1840, Fréderic Moreau, tout juste reçu bachelier, se rend chez sa mère à Nogent. Sur le bateau qui le transporte sur la Seine, il fait la connaissance de Jacques Arnoux, propriétaire de L'Art industriel et de son épouse, Marie, dont il tombe éperdument amoureux : « Ce fut comme une apparition. Elle était assise au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. » Deux mois plus tard, il s'installe à Paris pour y étudier le droit. Ambitieux mais nonchalant, il entame la rédaction d'un roman, puis se met à peindre et se consacre surtout à ne rien faire. Il fréquente assidûment les bureaux d'Arnoux, dont il devient le familier pour revoir Marie, et passe le temps en compagnie de jeunes bohèmes, comme lui velléitaires et songe-creux. Arrivé à sa majorité, il pense accéder à la fortune de son père. Or celle-ci se résume à une modeste rente. Frédéric se résout alors à vivre chez sa mère. Pourtant, grâce à l'héritage inattendu venu de son oncle, il est de retour à Paris trois ans après, décidé à y mener une vie de riche oisif.

Son argent le met en valeur. L'industriel Dambreuse l'entraîne dans des spéculations boursières. Deslauriers, son ami d'enfance, l'incite à investir 15 000 francs dans la création d'un journal. Mais Frédéric prête cette somme à Arnoux qui se ruine pour une demi-mondaine, Rosanette. Son amour pour Marie est toujours aussi vivace. Au terme de nombreux tête-à-tête, il obtient d'elle un rendez-vous galant ; retenue par la maladie de son fils, elle ne s'y rend pas. De dépit, Frédéric gagne les faveurs de Rosanette. La révolution de 1848 éclate.

Pour en fuir les violences, Frédéric emmène Rosanette à Fontainebleau, où ils vivent une longue période d'idylle. De retour dans la capitale, prise dans les convulsions du retour à l'ordre, il retrouve Marie qui lui apprend les raisons de son absence[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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