L'EMPIRE DES SENS, film de Nagisa Oshima
L'offensive du sexe avait commencé en 1974 sur les écrans français, avec des films aussi crus que Les Valseuses (Bertrand Blier), Contes immoraux (Walerian Borowczyk) ou Sweet Movie (Dušan Makavejev), et culminé avec Exhibition (Jean-François Davy, 1975), où l'héroïne faisait « tout » devant la caméra, et qui dépassa le demi-million d'entrées.
À quarante-trois ans, Nagisa Oshima, qui n'a plus pu tourner au Japon depuis quatre ans, propose le scénario de L'Empire des sens (Ai no corrida) au producteur français, Anatole Dauman (Argos Films), l'année même où entre en vigueur en France le classement « X », qui encadre le cinéma pornographique. Ce n'est pas une coïncidence de la part de cet aristocrate qui a géré toute sa carrière de provocation en provocation. Aux antipodes des maîtres de la génération précédente (la trilogie Mizoguchi-Ozu-Kurosawa), il s'était fait remarquer par des films d'une grande violence sur la peine de mort (La Pendaison, 1968), sur l'impérialisme japonais (Nuit et brouillard du Japon, 1960), et, déjà, sur le sexe (Les Plaisirs de la chair, 1965), qui lui avaient valu la considération de la critique française. L'Empire des sens, complété deux ans plus tard de L'Empire de la passion, sera l'apogée de cette reconnaissance critique, mais ses provocations ultérieures, tel l'amour contre nature de Charlotte Rampling pour un singe (Max mon amour, 1986), paraîtront, pour le coup, artificielles.
Petite mort deviendra grande
Japon, 1936. Une jeune femme, Sada, se fait embaucher dans une maison de thé. Elle tombe amoureuse du patron, Kichi, en le voyant un matin faire l'amour à sa femme. Peu après, il la prend tandis qu'elle lave le sol ; de ce jour commence une liaison entre eux, d'abord purement sexuelle, puis de plus en plus passionnelle, jusqu'à ce que Sada ne puisse plus se passer de Kichi, avec lequel elle désire faire l'amour en permanence. Elle lui interdit de revoir sa femme, et s'enferme avec lui dans une auberge où ils ne font plus que forniquer et boire, sans manger ni sortir (à l'exception de quelques rencontres de Sada avec un riche protecteur). Leur relation se teinte de plus en plus de sadisme, mi-joué mi-sérieux ; ils finissent par ne plus faire l'amour qu'en se serrant le cou, pour augmenter la jouissance. Ce jeu culmine et s'achève lorsque Sada, avec l'assentiment de Kichi, l'étrangle mortellement, puis coupe son pénis. Une voix off nous informe qu'elle erra quatre jours avec le sexe de son amant avant d'être arrêtée.
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Écrit par
- Jacques AUMONT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
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OSHIMA NAGISA (1932-2013)
- Écrit par Raphaël BASSAN
- 1 879 mots
- 2 médias
...Une petite sœur pour l'été (1972), Oshima Nagisa reste quatre ans à l'écart des studios de cinéma, tout en travaillant régulièrement pour la télévision. Il pense en avoir fini avec les problèmes du Japon qui, par ailleurs, connaît une grave crise de son industrie cinématographique.