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L'EMPREINTE (exposition)

L'exposition L'Empreinte a proposé, après L'Informe, une autre approche de la modernité : ces deux manifestations se sont déroulées à une année d'intervalle au Musée national d'art moderne. Chacune était accompagnée d'un livre qui fait partie intégrante de l'exposition et qui en constitue le prolongement. Pour L'Empreinte toutefois, il ne s'agit plus, comme pour L'Informe, d'un « mode d'emploi », mais d'un essai de Georges Didi-Huberman qui propose une ouverture dénouant les débats sur l'« art contemporain ». L'exposition proposée par Georges Didi-Huberman et Didier Semin (19 février-12 mai 1997) répond donc à celle d'Yve-Alain Bois et Rosalind Krauss, qui entrait en résonance avec les écrits de Georges Bataille sur l'informe ; une lecture de l'art moderne est offerte du point de vue simultané du contact et de l'aura.

Trois artistes y jouent un rôle spécifique, en révélant chacun à sa façon les divers aspects de la technique de l'empreinte : Marcel Duchamp, Pascal Convert et Giuseppe Penone.

Quoi de plus simple qu'une empreinte ? Jeu d'école maternelle où, comme dans les comptines, on fait des empreintes avec tout, avec les mains, avec les pieds, avec la tête, avec le nombril (Marie-Ange Guilleminot), avec le corps tout entier (Yves Klein). Aube des images aussi, l'empreinte pose, tout en restant énigmatique, les questions essentielles sur l'origine de l'œuvre d'art. En effet, selon le mythe rapporté par Pline, la première œuvre aurait été une empreinte, contour d'une ombre... et puis moulage. Certaines œuvres préhistoriques sont obtenues par empreinte, comme les mains négatives – mutilées ? – de la grotte de Gargas, dans les Pyrénées. Quoi de plus semblable, en fait, à une empreinte de main qu'une autre empreinte de main, que l'une date du Paléolithique supérieur, que l'autre soit contemporaine ; on effleure ainsi le caractère « anachronique » des œuvres obtenues par cette technique. L'exposition tentait de proposer une histoire de l'empreinte en prenant en compte l'étendue de ses champs d'action et de ses moyens. Tout au long du parcours se dépliait progressivement une pensée qui prenait appui sur ces formes singulières où, d'une manière ou d'une autre, subsiste la trace d'un événement. Les « battements » rythmaient la seconde section de L'Informe pour rendre compte des liens entre l'espace et le temps ; on traque ici les « allures » des mouvements d'inscription, des traces de vie.

L'empreinte, le moulage reproduisent la réalité. En apparence, aucun travail artistique. C'est le reproche qu'on leur a toujours fait. Les œuvres obtenues par ce procédé sont donc considérées comme esthétiquement nulles, car elles n'ont engendré aucune invention formelle. Ne seraient-elles pas moralement obscènes ? Érotiques pour le moins, puisqu'il y a contact. Ainsi, l'œuvre de Marcel Duchamp Feuille de vigne femelle, qui est la première de l'exposition, serait le paradigme de la problématique proposée par Georges Didi-Huberman dans le champ de la modernité.

Il s'agit en réalité du moule à pièces en plâtre qui a servi à dupliquer l'œuvre de Marcel Duchamp. Anonyme donc, comme nombre d'objets présentés : masques mortuaires, moulages d'hémisphère humain, maquillage nô, moulage de pied magdalénien relevé dans la grotte de Niaux, moulage provenant de Pompéi... Ces objets affichent tous le caractère anthropologique de l'empreinte et montrent la complexité de leur réalisation. Si simple que soit la prise d'empreinte, il s'agit chaque fois d'un processus technique complet dont André Leroi-Gourhan a décrit la « chaîne opératoire ». Ce préhistorien,[...]

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Écrit par

  • : ingénieur de recherche au Laboratoire de recherche des musées de France

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