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L'ESPACE LITTÉRAIRE, Maurice Blanchot Fiche de lecture

Publié en 1955, L'Espace littéraire est un des livres fondateurs de notre modernité. Son style, ses concepts, la hauteur de son exigence ont imprégné par la suite les œuvres de Barthes, Foucault, Lacan et Derrida.

La publication du livre ponctue une période d'intense activité critique et créatrice de Maurice Blanchot (1907-2003) ; depuis la fin des années 1940, l'écrivain aura publié des récits importants comme L'Arrêt de mort (1948) ou Au moment voulu (1951). Ses premiers recueils d'essais, Faux Pas (1943) puis La Part du feu (1949), ouvrent la voie à ce nouveau volume.

De fait, si L'Espace littéraire marque une date dans l'œuvre de Blanchot, il est indissociable de la trajectoire dans laquelle il s'inscrit : une pensée de la littérature qui ne s'autorise de rien, si ce n'est de son expérience même. Essai critique, par sa rigueur analytique, le livre expose aussi les pouvoirs de la langue à la puissance partagée du silence et du mot. L'Espace littéraire approche ainsi la littérature depuis le lieu de son énigme. Ce faisant, il met en question les notions – œuvre, écrivain, inspiration – auxquelles nous nous référons communément, pour en arriver à cette question : qu'est-ce qui est en jeu du fait que quelque chose comme la littérature existe ?

Le temps de l'œuvre

Le livre se compose de sept essais d'inégale longueur et de quatre annexes qui reprennent, en une sorte de mise à l'épreuve immédiate, quelques-uns des principaux motifs développés dans le corps principal de l'ouvrage : la solitude, l'imaginaire, la nuit... Le chemin proposé est très clairement lisible : approches de l'espace littéraire, descriptions de son improbable foyer, retours sur l'expérience qui s'engage ainsi et sur le sens d'une telle démarche.

Premier chapitre du livre « La Solitude essentielle » précise le point de départ de la méditation. Loin de désigner un espace clos, voire habitable, ce que Blanchot nomme « espace littéraire » situe le lieu fuyant d'une question et d'une quête : que devient la littérature quand elle n'est que littérature, quand l'œuvre « retire le langage du cours du monde » pour répondre à « l'exigence de l'œuvre » ? Et qu'advient-il de l'écrivain, si écrire c'est prendre ainsi le risque de se livrer à l'inconnu ?

Revenant discrètement sur sa propre démarche créative, Blanchot dessine en creux une forme d'engagement de l'écrivain dans la littérature, et pour la littérature. La « solitude essentielle », c'est alors le destin de celui qui assume cette aventure du livre, que Blanchot revendique dès 1948 : « S'affirmer, ce n'est pas nécessairement mettre plus de „Je“ dans le monde, c'est aussi chercher à ne mettre personne là où il y a „Je“ ».

Les trois essais suivants (« Approche de l'espace littéraire », « L'Espace et l'exigence de l'œuvre », « L'œuvre et l'espace de la mort ») retracent le chemin de l'expérience qu'est la littérature rendue à son essence. Blanchot part d'une lecture scrupuleuse des auteurs phares de la modernité que sont Mallarmé, Kafka, Rilke. Hanté par l'absolu d'une tâche à accomplir, chacun a entendu, à travers l'exigence d'écrire, l'appel d'une autre vie sans tout donner à la fascination de la mort. Chacun, à sa façon, a cherché à se perdre pour mieux se retrouver au lieu de sa recherche. C'est ce mouvement d'effacement que Blanchot s'efforce de rendre sensible.

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