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L'EUROPE DES ANJOU (exposition)

Dans l'ancienne abbaye royale de Fontevraud, s'est tenue du 15 juin au 16 septembre 2001 une très belle exposition sur L'Europe des Anjou. Aventure des princes angevins du XIIIe au XVe siècle. Après la chute du Mur de Berlin et l'unification de l'Europe, après les conflits meurtriers dans l'ex-Yougoslavie, il appartenait à l'Anjou et au conseil général de Maine-et-Loire de réunir, pour la première fois depuis la fin du xve siècle, les témoignages artistiques en provenance des pays jadis placés sous le contrôle des Angevins. De 1266 à 1480, c'est-à-dire de la conquête de Naples par Charles d'Anjou à la mort du « bon roi René », Guy-Massin Le Goff, entouré d'une équipe internationale de chercheurs, a retracé en images l'épopée de ces princes qui rayonnèrent depuis la Loire jusqu'à Naples, depuis les rivages de l'Adriatique jusqu'au centre de l'Europe, en Hongrie, en Croatie et jusqu'en Pologne sous le règne de Louis le Grand (1342-1382). Sur deux siècles et demi, au cœur des échanges diplomatiques et commerciaux de l'époque, les cours des différentes familles de la maison d'Anjou ont su créer un art international et courtois, qui fut à la gloire du prince mais aussi à son service et qui, en bien des régions, ouvrit largement la voie aux principales tendances humanistes de la pré-Renaissance.

Nouveaux venus dans de vieux pays parfois immenses, aux traditions locales toujours solidement établies, les rois angevins s'intégrèrent à leur environnement monumental et artistique en une trentaine d'années. À Naples, à Zagreb, à Budapest comme à Aix (aujourd'hui Aix-en-Provence) au cours du xve siècle, ils entreprirent une politique active en matière de constructions, civiles et religieuses, et à l'aide de commandes artistiques passées aux meilleurs maîtres. À Naples, sous le règne de Charles Ier d'Anjou, l'église San Lorenzo Maggiore témoignait déjà d'un syncrétisme réussi entre le patrimoine local et le goût français. De 1289 à 1309, sous Charles II, également roi de Sicile, l'adaptation aux savoir-faire et aux modes existants fut plus rapide encore, tandis qu'après les années 1300-1310 s'ajoutaient des compétences reçues d'autres régions de l'Italie, de Sienne, de Florence et d'Assise, notamment.

De même en peinture, les grands chantiers de décoration attirèrent des artistes de renom : à Naples, ce furent l'Ombrien Montano d'Arezzo à San Lorenzo Maggiore, le Romain Pietro Cavallini à San Domenico Maggiore, le Siennois Simone Martini, enfin Giotto avec une grande partie de son atelier ; en Croatie, à Raguse (Dubrovnik), Paolo Veneziano travailla à la réalisation de plusieurs polyptyques destinés aux églises de la ville et des environs ; en Hongrie, à Esztergom, l'art siennois dominait dans les commandes passées par le roi et sa cour et, après 1370, quand Louis le Grand monta sur le trône de Pologne, on vit le même style dans la chapelle du château royal à Varsovie.

Durant tout le xive siècle, l'espace contrôlé par les Angevins fut largement ouvert aux artistes et propice aux échanges de toutes sortes. Le Hongrois Petar Ugrinus partit de Székesfehérvar, ville royale, pour aller résider à Raguse, où séjournait le fils de Paolo Veneziano, Antonio. Un autre peintre, vénitien de naissance, Meneghello Ivanov de Canalis s'installait à Zadar à la fin du siècle. De ce brassage d'hommes et d'idées, il résulta un croisement riche, pluriséculaire, qui mêla l'Orient à Venise et rapprocha Sienne de la Bohême. Au xve siècle, après son bref intermède napolitain (1438-1442), le roi René fit en 1449 de Barthélémy d'Eyck, un peintre nordique, son « varlet de chambre », donc officiellement son artiste en titre. À partir de 1465, il eut recours aux[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne

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