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L'ÉVOLUTION CRÉATRICE, Henri Bergson Fiche de lecture

Le rôle de l’intuition

Par son inscription dans la durée et sa constante nouveauté, le vivant requiert une autre faculté mentale que l’intelligence. Le philosophe nomme « intuition » cette faculté. Mot ambigu et peut-être dangereux, l’intuition bergsonienne n’a rien de commun avec un énigmatique « sixième sens ». Nous y avons recours quotidiennement, chaque fois que nous sommes à l’écoute de ce qui se déploie à l’intérieur de notre subjectivité. C’est la raison pour laquelle, dans l’introduction de L’Évolution créatrice, par une brève note en bas de page qui peut en masquer l’importance, Bergson relie cet ouvrage à sa première œuvre, l’Essai sur les données immédiates de la conscience (1889). L’intuition, et elle seule, est capable d’accompagner en nous, ce qu’avait montré cette première œuvre, et hors de nous, comme le met en évidence L’Évolution créatrice, l’éternelle créativité du réel.

Un double mouvement organise la totalité du réel : un mouvement « ascensionnel », Bergson entendant par là la dynamique inventive (non nécessairement progressive) qui s’exprime dans la durée de l’Univers, et un mouvement « descendant » figeant en espèces et en individus relativement stables l’énergie de la dynamique évolutive. À un degré inférieur encore se trouve l’inanimé, sorte d’« échec » de la vie, de sclérose de cette éternelle dynamique. Aussi surprenante que nous apparaisse cette thèse au regard de la théorie du big bang, Bergson ne considère pas que la matière inanimée précède la vie, mais que la vie « retombe » en matière inanimée. Élan créateur et formes fixes sont comme un feu d’artifice dont nous percevons les formes colorées qui redescendent en direction du sol tandis que la fusée qui en est l’origine continue son ascension.

La position bergsonienne aurait-elle été balayée par les avancées théoriques du xxe siècle ? Ce n’est pas du tout certain. Si nos astrophysiciens ne se trompent pas en considérant que l’Univers a une seule et unique origine, deux interprétations tout aussi légitimes peuvent en être proposées. La première, aujourd’hui dominante, consiste à supposer que la vie est le fruit d’une longue évolution de la matière. La seconde, immortalisée par Bergson, consiste à supposer que, si la matière est devenue vie, c’est qu’elle était vie en son principe même. Cette thèse de L’Évolution créatriceretrouve aujourd’hui une réelle actualité.

— Philippe GRANAROLO

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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Autres références

  • BERGSON HENRI (1859-1941)

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    • 8 128 mots
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    Ainsi, le bergsonisme est un mobilisme intégral. Le dynamisme est la vérité du réel, l'univers « un jaillissement ininterrompu de nouveautés » (L'Évolution créatrice) ; et la tâche fondamentale de la philosophie est de penser le « mouvant ». Vision du monde antiplatonicienne s'il en est...