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L'HERBE DES TALUS, Jacques Réda Fiche de lecture

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Restituer des sentiments infimes

Comme Fargue, comme Larbaud qu'il rencontre au cours du recueil dans son amour du voyage et des soldats de plomb, Jacques Réda excelle à décrire des sentiments infimes, des sensations complexes et mélangées, en juste assez de lignes pour ne pas dépasser leur durée propre. L'enfance, la musique et les trains, les champs, les capitales étrangères : autant de thèmes sur l'art de se laisser aller, ou de ne pas se laisser fixer, autant de variations sur le vagabondage. Les villes pour la plupart se révèlent hostiles, plus déroutantes que la nature. La campagne d'ailleurs a sa langue, du style, ses « petits murs qui versifient l'autre colline » – en fait une profonde humanité.

Un petit apologue pour finir : à l'en croire, Réda envoie des lettres aux mouches. Du moins une lettre à une petite mouche. Il lui dit tout : « Avant de vous quitter, j'avais discrètement saupoudré ma nappe de débris de sucre. Mais – je m'en avise trop tard – vous auriez sans doute mieux aimé quelques-uns de ces signes qui, dit-on, ressemblent à vos pattes, et où notre vanité se figure capturer l'univers. Cependant je n'ai même pas attrapé une mouche. J'en suis heureux pour vous. » Surtout, qu'on n'aille pas juger cela navrant. C'est pour le lecteur de L'Herbe des talus un pas de plus vers une perception délicieuse du rêve, de l'illusion, et du rapport au monde.

— François TRÉMOLIÈRES

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