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L'HISTORIEN ET LES IMAGES (F. Haskell)

Édité dans sa version originale par l'université Yale en 1993 sous le titre History and Its Images, L'Historien et les images, publié dans la Bibliothèque illustrée des histoires (Gallimard), a été traduit en français par Alain Tachet et Louis Evrard. Selon la formule chère aux lettrés britanniques et dans laquelle Haskell, avec son érudition exceptionnelle et son style agréable, fait merveille, L'Historien et les images s'organise en une suite de quinze essais éclairant le statut et l'exploitation des images dans la quête historienne depuis Pétrarque et les premiers « antiquaires » et numismates de la Renaissance jusqu'à notre siècle. Répartis entre deux grandes sections : « La Découverte de l'image » et « L'Emploi de l'image », ces essais illustrent une problématique que l'on peut résumer en trois grandes questions : quel crédit a-t-il été jusqu'ici accordé aux images pour la connaissance du passé ? quel usage a-t-il été fait en histoire, de ce que nous appelons œuvres d'art ? quel type de sources les documents figuratifs constituent-ils au regard de l'écrit ?

Autant, sinon plus, que de « connaissance du passé », c'est de représentation du passé qu'il est question dans ce livre. À cet égard, ce que l'auteur avoue, à la fin de son introduction, des hésitations que lui a inspirées le titre à donner à l'ouvrage est assez significatif : au lieu de « L'Art et l'Historien », titre à dire vrai peu évocateur et peu engagé, auquel il avait d'abord pensé, c'est L'Historien et les images (History and its Images) qu'il a finalement retenu comme « suggérant le mieux l'équilibre entre création artistique et recherche historique qui est au cœur de [son] enquête ». Mais, lecture achevée, on se surprendra peut-être à regretter qu'il n'ait pas opté pour une troisième solution, un moment envisagée : « Les Arts et l'imagination historique ».

Pétrarque, prenant conscience, à propos des traits de l'empereur Gordien le Jeune, de la non-concordance entre récit biographique et images supposées véridiques, met le doigt sur l'un des problèmes fondamentaux rencontrés par l'historien dans sa double relation aux textes et aux témoignages figuratifs : celui de la critique des sources. La note qu'il porte en marge de son exemplaire de l'Histoire Auguste (« Si tel était le cas, il [Gordien] avait engagé un sculpteur médiocre ») révèle toutefois le préjugé que le poète, comme la plupart de ses contemporains, nourrissait en faveur de l'écrit. Et de fait, comme le montre Haskell dans « La Découverte de l'image », malgré les possibilités offertes par les prodigieuses collections réunies par les grands numismates du xvie au xviiie siècle (Jacopo Strada, Guillaume Rouillé, Guillaume du Choul, Enea Vico...), collections dont certaines ont fait l'objet de publications somptueuses, l'étude des monnaies et médailles a longtemps privilégié les inscriptions au détriment des images. Décevante au regard du propos de ce livre, la numismatique a néanmoins fourni des « anthologies de portraits » et des « renseignements sur la religion, l'histoire et la topographie, obtenus à partir de l'étude des revers » qui a aussi beaucoup alimenté le répertoire allégorique des artistes et aidé les historiens à cerner la signification d'autres sources figuratives, dénuées d'inscriptions, comme les sculptures.

Un débat révélateur des écueils auxquels se heurtait l'interprétation des images – révélateur également de la caution apportée éventuellement par celles-ci aux traditions historiques – est celui dont firent l'objet jusqu'au milieu du xviiie siècle une monnaie, un as, représentant à l'avers Faustine la Jeune, épouse[...]

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