L'ÎLE AUX CHIENS (W. Anderson)
Raffiné, burlesque, maniaque ou mélancolique : l’univers de Wes Anderson se laisse malaisément délimiter par un seul adjectif. Et ce n’est pas L’Île aux chiens qui va changer la donne. Salué par l’ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2018, ce nouveau film d’animation, huit ans après Fantastic Mr Fox, se présente à la fois comme un récit d’aventures, un feu d’artifice visuel et un pamphlet politique. Il permet au cinéaste dandy de balayer élégamment, une fois encore, les étiquettes et les superlatifs, mais aussi d’élargir son terrain de jeu habituel. De plus, l’aimable natif de Houston (Texas) s’est rarement montré aussi mordant.
L’Île aux chiens se déroule dans un Japon dystopique, là où le maire corrompu de la cité imaginaire de Megasaki, prétextant une épidémie de grippe canine, a décrété le bannissement de tous les chiens sur une île-poubelle. C’est sans compter sur l’attachement d’Atari, fils adoptif dudit maire, pour Spots, son fidèle compagnon, lui aussi déporté. Après avoir atterri sur l’« Île aux chiens » pour le retrouver, le jeune garçon va explorer l’étonnant territoire, mélange de décharge, de friche industrielle et de parc d’attractions abandonné, accompagné d’une joyeuse bande de chiens alpha (quoique galeux), tandis qu’une brigade de chiens robots se lance à leurs trousses.
Un récit à tiroirs
On voit d’emblée tout ce que cette épopée recèle d’ironique. D’ailleurs, il suffit d’entendre son titre en anglais – Isle of Dogs – pour en saisir la part ludique. Voilà un jeu de mots et de sonorités (« I love dogs ») qui, a priori, devrait immerger le spectateur dans un chant d’amour à l’espèce canine ! Sauf que le neuvième long-métrage de Wes Anderson, coécrit avec ses comparses Jason Schwartzman et Roman Coppola, mais aussi l’acteur et scénariste Kunichi Nomura pour la touche japonaise, multiplie les flash-backs, les digressions et les sous-intrigues.
Une profusion romanesque qu’un rythme frénétique, impulsé par les tambours d’Alexandre Desplat, amplifie du début à la fin. En dépit des apparences – une histoire simple de quête enfantine, découpée en chapitres –, L’Île aux chiens est donc bien un récit à double, voire triple détente. Entre deux gags, il n’oublie jamais, à sa façon, inventive et joueuse, de dénoncer les dangers d’un régime prônant l’exclusion et le repli sur soi, comme il n’omet pas de stigmatiser la responsabilité des humains dans les catastrophes écologiques. Une thématique politique inhabituelle pour Wes Anderson, sans doute rattrapé par l’actualité nord-américaine et le traumatisme de l’après-Fukushima au Japon.
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Écrit par
- Ariane ALLARD : journaliste et critique de cinéma
Classification
Média