L'ŒIL DU QUATTROCENTO, Michael Baxandall Fiche de lecture
Issu de cours professés à la faculté d'histoire de Londres, L'Œil du Quattrocento s'offre à démontrer deux propositions réciproques : d'une part, que la peinture du xve siècle est le produit d'une relation sociale entre le peintre et son commanditaire, agent, pas nécessairement bienveillant, dont le peintre doit satisfaire les goûts et les compétences culturelles, et qu'il s'agit donc pour l'historien d'art de chercher à reconstituer cet « équipement intellectuel » des clients types s'il veut comprendre les raisons d'être et les valeurs de cette peinture ; d'autre part, que les tableaux complètent de façon très utile les sources lacunaires dont disposent les historiens de la vie quotidienne et des mentalités dans la mesure où ils reflètent des expériences et des aspirations absentes des documents constitués de listes de mots et de chiffres. Michael Baxandall fait porter son enquête de façon privilégiée sur la peinture florentine de 1425 à 1460, avec des prolongements jusqu'à la fin du Quattrocento. Il a analysé deux types de sources, d'une part, une riche série de contrats pour des peintures, d'autre part, des types variés de « manuels » de la vie quotidienne portant sur les savoirs et les savoir-faire – l'art de se comporter en société et la façon de penser au salut de son âme –, largement diffusés au xve siècle : ouvrages de mathématique « commerciale », de danse, de musique, de politesse, exercices de dévotion, recueils de sermons, dont les préceptes étaient répandus par les écoles, l'éducation familiale et la prédication. La banalité de ces connaissances et de ces valeurs communes exige une subtile « archéologie » et une exégèse dont Baxandall a été l'un des pionniers.
« Les peintures sont des fossiles de la vie économique »
Les contrats passés entre les peintres et leurs clients éclairent les conditions de travail des artistes : ils consignent avec précision le sujet, avec parfois une allusion à un dessin servant de référence, les délais d'exécution, le prix et les modalités de paiement, l'emploi de matériaux coûteux comme l'or ou le lapis-lazuli, ce bleu précieux étant réservé aux personnages les plus importants. À mesure que le siècle avance, les frais matériels semblent compter moins que le prix du savoir-faire, les maîtres les plus renommés coûtant plus cher. D'après les mémoires de Giovanni Rucellai, Florentin, prêteur et mécène de renom, les motivations de cette catégorie de clients étaient la fierté de posséder des œuvres de maîtres reconnus, la « gloire de Dieu », « l'honneur de la cité », une sorte de redistribution de la richesse acquise par la pratique de l'usure et le plaisir de contempler des œuvres d'art.
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
Classification
Média
Autres références
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BAXANDALL MICHAEL (1933-2008)
- Écrit par Martine VASSELIN
- 1 041 mots
Né en 1933 à Cardiff (Royaume-Uni), Michael Baxandall a conduit une carrière de chercheur et d'enseignant en histoire de l'art dans le Royaume-Uni (il fut professeur « d'histoire de la tradition classique » à l'Institut Warburg et Courtauld, à Londres, et à l'université d'Oxford), puis aux États-Unis...