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L'ŒUVRE D'ART À L'ÉPOQUE DE SA REPRODUCTION MÉCANISÉE, Walter Benjamin Fiche de lecture

Walter Benjamin - crédits : AKG-images

Walter Benjamin

L'essai de Walter Benjamin L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée est l'un des textes les plus célèbres de la littérature photographique allemande de l'entre-deux-guerres. Il est également connu en français sous un titre un peu différent : L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique. Dans ce texte, Walter Benjamin (1892-1940) reprend à son compte le débat qui agite alors les historiens de l'art allemands sur la survivance de l'art au temps des moyens de reproductions mécaniques en étudiant la manière dont l'intégrité de l'œuvre se trouve ainsi modifiée, voire menacée. Il montre qu'en passant par le filtre de la reproduction standardisée, qu'il oppose à la copie manuelle, l'œuvre d'art perd son caractère d'objet unique, rendant ainsi caduques les notions d'original et de copie, et qu'à la valeur de culte de l'œuvre, la photographie substitue la valeur d'exposition qui devient toute-puissante. Ce texte important thématise l'entrée de l'art dans une ère nouvelle, qui voit l'œuvre perdre à la fois son caractère d'unicité et ce que Benjamin appelle son « aura ». C'est ce concept d'aura, que Benjamin inaugura en 1931 dans La Petite Histoire de la photographie, et qui apparaît ici sacrifié au profit d'une image devenue politique dans l'Europe des années 1930, qui donne à ce texte tout son poids. Ce concept, qui passa à peu près inaperçu en Allemagne au moment de son élaboration, a bénéficié d'une fortune critique considérable au moment de la renaissance de la théorie photographique au cours des années 1970 et 1980.

De l'art à la marchandise

C'est en France, où il s'est exilé depuis 1933 pour fuir l'Allemagne nazie, que Benjamin rédige L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée comme point de fuite de ses recherches restées inachevées sur les Passages parisiens, tentative de récit de la mutation de l'art en marchandise au xixe siècle. Dans cette perspective, l'essai sur L'Œuvre d'art décrit en quinze chapitres le devenir d'un art soumis à la reproduction mécanique : « La technique de reproduction [...] détache la chose reproduite du domaine de la tradition. En multipliant sa reproduction, elle met à la place de son unique existence son existence en série et, en permettant à la reproduction de s'offrir en n'importe quelle situation au spectateur ou à l'auditeur, elle actualise la chose reproduite. » La photographie apparaît ici comme technique inaugurale et exemplaire d'une redéfinition de la réception des œuvres, réception dans laquelle la valeur de culte, reposant sur l'aura, « singulière trame de temps et d'espace : apparition unique d'un lointain, si proche soit-il », se voit sacrifiée au profit de l'exposition de la seule reproduction. Au-delà de l'œuvre d'art, qui perd dans cette opération radicale son « ici et maintenant » d'objet de culte, c'est toute la chaîne des produits des moyens de reproduction mécaniques – photographie, phonographie, cinématographie – qui s'abstrait de la tradition et de l'authentique, pour entrer dans le domaine de la marchandise. Il ne faut pas s'étonner alors de voir qu'au cœur de cette réflexion sur le devenir politique de toute image, la photographie n'ait qu'un rôle de précurseur, développé dans la première partie de l'essai ; la seconde partie, traitant de l'importance de la question de la propagande et de la politisation des masses, est plus particulièrement consacrée au cinéma.

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Écrit par

  • : historien de la photographie, maître de conférences à l'université de Paris-VIII

Classification

Média

Walter Benjamin - crédits : AKG-images

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